Une communauté rurale, un lac, une forêt et enfouis au milieu, de lourds et vénéneux secrets. La formule du thriller country dans son épure a forcément tout du piège parfait pour retenir captifs les spectateurs avides de révélations insalubres sur les mœurs campagnardes. Celles attendues au tournant de la série de Jane Campion naviguent sur des arcs narratifs ambigus car comme délestées du poids du « meurtre en forêt » en bonne et due forme.

 

Alors qu’elle rend visite dans sa ville natale à sa mère malade, Robin, inspectrice de police, se voit chargée de l’enquête pour déterminer qui a mis enceinte la jeune Tui, 12 ans à peine. Au fur et à mesure de ses investigations, Robin lève le voile sur les agissements mafieux et la relation despotique du père de Tui vis à vis de la petite communauté, et se retrouve confrontée à son douloureux passé. Tui, elle, disparait.

Sur cette base scénaristique qui fait la part belle à l’intime et aux douleurs familiales, Jane Campion et Gerard Lee brossent une série de portraits forcément conflictuels et pittoresques (un peu) sans jamais trop s’éloigner du regard dur et déterminé de leur héroïne (impeccablement incarnée par Elisabeth Moss). Tourné dans la même luxuriante région néo-zélandaise que le Seigneur des Anneaux, Top of The Lake joue évidemment sur le contraste de la beauté colorée des paysages et de la zone grise de la morale des protagonistes.

Hélas, la série échoue par deux fois à maintenir cet équilibre spécifique au thriller rural. D’abord, elle s’abîme dans des séquences paysagesques contemplatives et anormalement longues, cartes postales cache-misère d’une intrigue qui n’avait pas besoin d’autant de temps pour être exposée. Ensuite, la zone grise, l’ambiguïté morale n’est, dans le drame imaginé par Campion, jamais qu’une myopie en voie de résolution. Spoiler: aucun des twists (l’un caricatural, l’autre brutal) disposés en fin de récit ne viendra démentir le délit de sale gueule des deux premiers épisodes.

Top of the Lakelaisse l’impression d’un rendez-vous manqué entre une grande réalisatrice de cinéma et le format série, dont elle néglige d’embrasser les exigences rythmiques autant que les possibilités de dévoilements psychologiques. Dans le fond, Campion se comporte exactement vis-à-vis des séries comme son personnage de gourou féministe (Holly Hunter, parfaite) avec sa communauté installée dans une prairie magnifique près du Lac : elle appelle ça le paradis, mais elle reste en bordure.