“Are you ready ? This is the beginning of something new”. C’est sur cette phrase que s’ouvre la septième et ultime saison de Mad Men. Le début de quelque chose de nouveau on ne sait pas, mais certainement la fin de quelque chose : les années soixante. Au Thanksgiving 1968, la saison 6 avait laissé Don Draper en proie aux doutes. Il avait fini par tromper sa nouvelle épouse, avouer les secrets de son enfance à ses collègues et à ses enfants, et avait décidé de partir à Los Angeles avant de se faire évincer de l’agence. Selon les dires de Matthew Weiner showrunner de la série, cette saison, qui débute en janvier 1969, abordera « les conséquences de ce que Don Draper a fait pendant les six dernières saisons ». Un lourd programme.
À l’ouverture de ce premier épisode, ce sont bien les mots de Draper que l’on entend mais attribués à Freddy Rumsen. Écarté pour une durée indéterminée, Draper est contraint de faire passer ses idées pour celles du freelance Rumsen. Dans les cinq premières saisons, il incarnait pourtant la réussite, l’Homme par excellence, le glamour du début des années soixante. Il s’intéressait peu aux hippies et ne les avait pas attendus pour jouir d’une liberté sexuelle absolue. Don Draper, orphelin élevé dans un bordel, préférait combler le vide de sens de son existence en s’adonnant à des acquisitions superficielles – c’est d’ailleurs le métier qu’il a choisi : vendre pour soigner. À l’aube des années soixante-dix, ce besoin chronique qu’on ait besoin de lui n’est plus satisfait. Ses enfants vivent dans une autre famille, sa femme a sa propre vie, sa propre maison, sa propre carrière, l’agence l’a remplacé, Peggy ne le prend plus comme exemple à tel point qu’il ressemble de plus en plus à Dustin Hoffman dans Le Lauréat (ref Slate) : perdu et passif.
Quelle place lui reste-t-il ? Plus aucune : perdu dans son grand appartement newyorkais sale, incapable de fermer la baie-vitrée pour se protéger de ce monde changeant, l’ex-héros de Mad Men ne peut que grelotter dans le froid au son des Vanilla Fudge : « There ain’t nothing I can do about it, You know I need love / Set me free, why don’t you babe ? ». Don est-il toujours le héros de Mad Men ?
New York vs. Los Angeles
Si Los Angeles semblait être le petit paradis secret de Draper (ses visites secrètes à Anna Draper en faisaient une terre d’espoir), la délocalisation de la saison 7 ne semble pas le ravir. Toujours hautement symbolique, le scénario le place devant le film de Capra « Lost Horizon » et devant sa question finale : « en ces temps de guerre, n’avez-vous jamais rêvé d’un endroit calme et en paix, où vivre ne serait pas une lutte mais un plaisir durable ? ». New York, Los Angeles, où Don Draper – et à travers lui les Etats-Unis – peut-il s’épanouir ? Weiner analyse : « Mad Men a commencé en 1960, quand New York était le centre non seulement des Etats-Unis mais du monde » alors que cette dernière saison se tournera vers « la montée en puissance de la Californie, devenue centre culturel du pays à la fin des années 60 ». Les personnages de Mad Men se tournent vers la Californie dans l’espoir d’un renouveau, d’où cette obsession collective pour le soleil (« mais t’es pas bronzé ? » : running joke de ce premier épisode). Sombres, en intérieur ou de nuit : les scènes new-yorkaises ne font plus rêver, à l’image de Peggy en plein nervous breakdown dans son quartier craignos où son ex-fiancé l’a abandonné. Parfait exemple de l’opposition majeure de cette saison, Ken est dévoré par le stress à New York alors que Pete se promène en polo de golf à Los Angeles.
La fin du summer of love ?
Déjà, la saison six de Mad Men était riche en événements violents: les manifestations dans le Bronx, la guerre du Vietnam, la tentative de cambriolage particulièrement flippante de l’appartement de Don. Peggy en arrive même à poignarder (accidentellement) son fiancé. En 1969, on sait d’avance que le programme sera chargé : le Watergate, les émeutes de Greenwich village, les Black Panthers, le festival d’Altamont. Une certaine idée des joyeuses sixties s’efface. On ne sait évidemment pas ce que Matthew Weiner nous prépare pour la septième saison, mais certains misent sur une significative montée de violence. Les conspirationnistes amateurs de Reddit sont partis loin : Megan Draper serait un alter-ego de Sharon Tate et finirait la saison brutalement assassinée par la famille Manson à l’été 1969.
Nouvelle décennie, nouvelle ère pour Mad Men. Des contrats qui s’envolent ? Des cours de marketing pour Joan ? Une jolie veuve dont le mari est mort d’alcoolisme mise sur le chemin de Don ? Ce premier épisode sonne comme un avertissement pour SC&P et ses employés : il s’agit de changer ou de s’éteindre.