Le 18 juillet 2013, Detroit se déclarait en faillite. La ville était pourtant, il y a peu encore, le symbole d’une industrie automobile florissante et prospère. Moins d’un mois plus tard, AMC lançait Low Winter Sun.Remake de la mini-série anglaise éponyme, la série prend donc place dans la Motor City et le moins que l’on puisse dire est qu’il ne s’agit pas là d’une publicité pour l’office de tourisme de la ville. Les blessures sont plus que visibles et tous les maux qui ont amené Detroit à sa perte sont montrés au grand jour.
Le générique nous rappelle que nous sommes aussi dans le berceau de la Motown, héritage culturel indéboulonnable et seule véritable consolation d’une ville qui a perdu tout espoir, notamment envers les plus hautes instances. La justice et la loi, elles, semblent n’en faire qu’à leur tête.
Pour illustrer ce chant du cygne, on retrouve Frank Agnew (Mark Strong qui reprend son rôle à l’identique de la version anglaise) et Joe Geddes (Lennie James, abonné au rôle de flic véreux après Line of Duty). Ambiance polar des bas-fonds, les flics portent la dépression comme le cuir. À peine a-t-on fait leur connaissance que ces deux flics passent de l’autre côté. Ils tuent l’un de leur collègue, un type plutôt bavard qui s’apprêtait à passer à table auprès de la police des polices. Geddes a l’ascendant sur Agnew, et une fois débarrassés de l’indésirable, ils se lancent dans une partie d’échecs où le mensonge est le seul moyen de s’en sortir. Il faut se mentir à soi-même et mentir aux autres. Frank semble subir en permanence les évènements et cette passivité agit sur le déroulement de l’intrigue. Il ne devient réellement actif que lorsqu’il est acculé. Cela traduit à la fois un désir de faire une oeuvre pessimiste mais aussi une indolence des auteurs. Un sentiment renforcé par le fait que la série ne se démarque pas vraiment d’autres polars télévisés. On y retrouve le commissariat , l’affaire de la semaine, la vie privée de chacun … L’intrigue principale essaye tant bien que mal de s’immiscer au milieu de tout cela.
The Shieldsavait captiver le spectateur avec ses flics pourris en utilisant des ficelles certes assez grosses mais avec une empathie poussée et travaillée. Ici, les clichés sont poussés bien trop loin. Frank est ce flic à la dur, divorcé et qui est tombé amoureux d’une prostituée (qui est de plus impliquée dans des affaires liées aux deux protagonistes). Joe, lui, est dans l’impasse d’une vie. Il est épuisé par sa condition de flic mais aussi par sa famille. Entre les deux, il survit en virevoltant entre les deux côtés de la loi. Il n’y a aucune originalité et leur fatigue agit sur le spectateur. Aucune compassion, aucune identification. Lorsque la réelle menace débarque, la police des polices, sous les traits de Simon Boyd (David Costabile, le Gale Boetticher de Breaking Bad), on retrouve un schéma établi, trop connu des spectateurs. À vrai dire, peu importe leur sort.
Les auteurs ont sûrement pensé ne pas pouvoir tenir le spectateur avec une seule intrigue. C’est là qu’intervient le personnage de Damon Callis, un dealer à la petite semaine. (James Ranson, l’inoubliable Ziggy de The Wire). En essayant tant bien que mal de raccrocher cet arc à l’intrigue principale avec des idées fourre-tout, on a une désagréable sensation d’assister à une resucée de la série baltimorienne de David Simon. Guerre de territoires, trafic de drogue, règlements de comptes entre grecs et afro-américains. La lassitude n’est pas loin. On notera tout de même une sobriété dans la mise en scène, qui nous évite les écueils du caméra à l’épaule façon docu mais la photographie nous rappelle que l’on est dans un polar de ville damnée. Les couleurs sont tristes et même les séquences diurnes sont poisseuses. Low Winter Sunfilme le Detroit des bas-fonds, celui des parias.
Au final, cette première (et unique ?) saison n’est pas totalement mauvaise. Les acteurs sont très justes, la mise en scène est un tant soit peu soignée et on a un regard sociologique sur ces futurs citoyens fantômes de Detroit. Mais il restera cette impression persistante d’avoir vu et revu une histoire sans réelle originalité. Chris Mundy – son showrunner – ne l’élève à aucun moment comme ont pu le faire Ryan, Simon et consorts. Cette série est peut-être arrivée trop tôt pour symboliser le chant du cygne d’une ville hantée par toutes sortes de démons.