Chro: Comment l’idée de Welcome to Sweden a-t-elle germé ?
Greg Poehler : L’idée a commencé à me trotter dans la tête quand je suis parti vivre en Suède, en 2006. J’ai fait mes premières armes sur des scènes de stand-up, en blaguant sur le fait d’être un américain en territoire inconnu. Les gens ont semblé aimé ça. Après, je me suis mis à écrire un script, puis je l’ai proposé à des producteurs suédois. Ils ont été séduits. Nous avons par la suite rencontré Carrie Stein de la maison de production eOne, qui l’a vendu à un niveau international. La série est alors devenue une coproduction suédo-américaine.
Welcome to Sweden est votre première série, et vous cumulez les casquettes d’acteur, producteur et scénariste. C’était un sacré challenge !
Oui, et je ne savais rien faire de tout cela (rires) ! Je pense que si j’avais réalisé à quel point c’était dur, je n’aurais probablement pas cumulé ces trois jobs. Mais cette histoire était vraiment personnelle. Ca me semblait étrange de ne pas la contrôler. J’avais envie de raconter mon parcours. Il m’a semblé plutôt naturel de gérer tous les aspects. Après coup, je me suis dit que j’avais peut-être pris un peu trop de responsabilités très vite, mais ça ne m’empêche pas de rempiler pour la saison 2 (rires). Si je laisse quelqu’un prendre le contrôle, de toute façon, je sais que je finirai par le reprendre.
La part autobiographique du show est donc très importante. Jusqu’à quel point ?
La plupart des situations de la saison 1 me sont réellement arrivées. Je les ai seulement rendues plus drôles et très compliquées à gérer pour mon personnage. Dans la réalité, mon arrivée en Suède s’est passé de façon bien plus agréable. Rien ne va dans le bon sens pour Bruce, qui doit faire face à toutes sortes d’obstacles, comme les parents de sa petite amie. Au contraire, les parents de ma femme ont été adorables et d’un grand soutien. Ils n’ont rien à voir avec leur version fictive. Welcome to Sweden est en fait une version terrible de ce qu’il m’est arrivé (rires).
Ma sœur Amy m’a été d’une grande aide
Laquelle de vos casquettes a été la plus compliquée à gérer : acteur, producteur, scénariste ?
Le showrunning est définitivement le plus dur à appréhender. Je devais gérer les producteurs suédois et américains. Ils avaient souvent des opinions différentes à propos de certaines scènes, ou de la direction que devait prendre la série. Ce n’était pas facile de faire le tampon entre les deux. J’ai du calmer plusieurs fois le jeu et arrêter certaines discussions très animées. Je pense que la saison 2 sera plus simple à gérer. Nous avons appris à nous connaître.
Les Américains et les Suédois sont-ils très différents dans leur façon de travailler ?
Oui, en tout cas dans leurs personnalités. Les Américains sont plus directs. S’ils n’aiment pas quelque chose, ils vous diront : « Je n’aime pas ça». Les Suédois auront tendance à dire : «C’est super, mais on peut peut-être essayer autre chose… » (rires). Ils ne disent pas tout de suite ce qu’ils pensent. Ca a été dur à certains moments de se retrouver au milieu de ces deux cultures qui s’entrechoquent. Les gens prennent parfois la mouche. Et puis aux Etats-Unis, l’équipe était plus grande, avec davantage de personnes impliquées. En Suède, la gestion est plus rationalisée, avec moins de gens.
De quelle façon votre sœur, Amy Poehler, s’est-elle impliquée dans le projet ?
Je lui ai demandé de lire le script de Welcome to Sweden pour qu’elle me donne son avis. Elle l’a beaucoup aimé, et a voulu être impliquée en tant que productrice. Elle m’a aussi apporté quelques idées, surtout pour les scènes américaines et les siennes. Pour la partie production, elle était en charge des guests et de l’équipe du tournage aux Etats-Unis, qui a duré une semaine. Amy m’a été d’une grande aide.
A propos des guests prestigieux qui émaillent votre show, tels Will Ferrell, Amy Poehler ou Patrick Duffy, comment les avez-vous utilisé ?
C’était très fun. Je joue un personnage mais eux étaient là pour interpréter leur propre rôle. J’ai aimé écrire ce genre de scènes, car je pouvais les rendre très antipathiques (rires). C’est un peu ce que j’ai fait pour tous les guests de cette saison. Je leur renvoyais une version vraiment horrible d’eux même ! Et tant que le public comprend que ce n’est pas leur vraie personnalité, ils adorent ça aussi. C’est très marrant pour eux de jouer avec leur réputation.
En guest, vous avez aussi des stars du cru comme Björn Ulvaeus, l’un des membres de ABBA. Vous n’auriez pas tenté d’avoir quelqu’un de la famille Skarsgård, très connue dans les deux pays ?
Si, tout à fait. On a presque failli avoir Alexander Skarsgård (Eric dans True Blood) en saison 1, mais il n’a pas pu le faire finalement. On ne perd pas espoir pour la saison 2 ! On va les traquer pour les avoir.
Comment se sont déroulées les séances d’écriture dans la writer’s room ?
J’ai travaillé avec trois scénaristes suédois. On a bossé ensemble toute la journée pendant trois mois avec un grand tableau devant nous. On a bu beaucoup de café (rires). Ca a commencé par plusieurs semaines à réfléchir ensemble à différentes storylines, et à leur place dans la saison. Petit à petit, on ajoutait les scènes dans les épisodes qui correspondaient, et une vraie trajectoire finissait par se dessiner. Après, chacun partait pour écrire ses épisodes. Ils écrivaient un premier jet, puis revenaient pour le lire. Chacun donnait ensuite son avis, ajoutait des notes et ils repartaient peaufiner leur scénario. J’ai écrit personnellement les épisodes 1, 2, 5, 7, 9 et 10. J’en écrirai sans doute moins la saison prochaine. Je vais déléguer un peu (sourire).
On traque les Skarsgård pour qu’ils viennent faire un guest
Welcome to Sweden débute le 10 juillet sur NBC. La série contient des passages en suédois. On connait l’aversion des Américains pour les sous-titres.
Oui, j’attends de voir leur réaction avec un peu d’appréhension. On a toujours voulu vendre la série aux Etats-Unis. C’est pour ça qu’on a pensé à ces guests américains. Et le show ne contient pas plus de 20% de langage en suédois. Le reste est en anglais.
Avez-vous été surpris par le succès de la série en Suède ?
Oui, ils l’ont adoré. Je suis vraiment ravi. Quand on se lance dans une comédie, c’est impossible de plaire à tout le monde. Même si la majorité des Suédois ont aimé le show, j’ai tendance à me focaliser toujours sur les commentaires négatifs. C’est vraiment déprimant pour moi de tomber sur de mauvaises critiques ou sur une personne qui ne l’a pas aimé. J’aimerai satisfaire tout le monde ! Mais j’ai réalisé que ce n’est pas possible. Ca a été un soulagement pour moi que les Suédois aiment la série. Je suis quand même un outsider qui fait des blagues sur leur pays. J’aurais pu les offenser.
En effet, vous n’hésitez pas à jouer sur des clichés suédois, comme ces scènes de sauna ou les nombreux moments alcoolisés présents dans le pilote.
Au fil de la saison, je pense que j’offre une meilleure image de la Suède (rires). On a filmé le show de façon à rendre le pays le plus joli possible. En fait, les Américains pourraient m’en vouloir davantage que les Suédois (rires). Quand on voit certains personnages comme le mien, ou les guests américains, ce sont plutôt eux qui trinquent.
Quel est le message qui se cache derrière Welcome to Sweden ?
Peu importe l’endroit où vous allez, c’est toujours dur au début d’être dans la position de l’immigrant. Je parle de cette période de transition où vous arrivez dans un nouvel endroit. Vous apprenez à mieux vous connaître, faites de nouveaux amis, découvrez des mots rigolos… Il faut s’adapter à une nouvelle société. Je pense que le message du show, c’est que quelque soit leur nationalité, les gens ne sont pas si différents une fois la barrière culturelle tombée. Il faut apprendre à parler un langage commun.
La réception du public américain aura une incidence sur l’approche créative de la saison 2
Avez-vous encore des expériences personnelles à raconter sur cette saison 2 ?
Je n’ai plus d’idées, il va falloir que quelqu’un en ait à ma place ! Mais en réfléchissant bien, j’ai vécu pendant huit ans en Suède, donc il doit me rester quelques souvenirs à creuser pour la saison 2 (sourires).
Concernant la saison 2 de Welcome to Sweden, est-elle dépendante des audiences américaines sur NBC ?
Quelque part, oui. On va attendre de voir sa réception par le public américain. La saison 2 aura bien lieu, mais selon les audiences, elle sera adaptée au marché américain et suédois, ou juste au marché suédois. Cela change son approche créative. J’espère que nous pourrons faire ce que nous voulons, comme en saison 1. Forcément, on veut être meilleur, plus drôle et conquérir encore plus de personnes, sans perdre l’esprit du show.
Avez-vous une vision sur le long terme de Welcome to Sweden ?
Oui, mais tout dépend combien ils me paient (rires). Quand je l’ai commencé, j’imaginais trois saisons, mais si le public en veut plus, je peux réfléchir à aller plus loin. J’irai peut-être dans un autre pays.
Effectivement, ce concept peut-être décliné. Pensez-vous à le vendre pour d’autres « Welcome to… »?
Je n’ai pas envie de le vendre, mais de développer moi-même d’autres séries « Welcome to…», pourquoi pas ? Ce concept de l’Américain qui découvre une culture totalement différente pourrait marcher ailleurs qu’en Suède. On va définitivement y penser.