Chronic’art : Quelle était votre ambition lorsque vous avez créé Un village français ?
Emmanuel Daucé : Pendant longtemps, les séries françaises ont été conçues en prise directe avec l’actualité, comme des séries policières qui s’inspiraient de faits divers récents. L’équation économique que j’avais en tête lorsque j’ai commencé à produire Un village français était bien entendu liée à sa première diffusion sur France 3, mais elle prenait aussi en compte la capacité de la série à traverser le temps. Avec une série historique, on a l’assurance que la série peut être vue plusieurs années après sa première diffusion, et qu’elle peut être vendue à l’étranger. Par ailleurs, pour être exportée, il faut faire une série de catalogue, c’est-à-dire une série qui comporte un nombre important d’épisodes. J’avais cette idée en tête dès le lancement de la série, qui, à la fin, aura été constituée de 7 saisons soit environ 80 épisodes.
Pourquoi avoir choisi de diviser la saison 6 en deux parties, dont la première sera diffusée à partir du 18 novembre ? N’y a-t-il pas un risque de perdre un peu les téléspectateurs, eux qui ont été habitués à voir les saisons en intégralité ?
La décision de diviser la série en deux parties vient de France 3 qui souhaitait diffuser le début de la saison 6 un an après la diffusion de la saison 5 (et ne pas attendre que tous les épisodes soient prêts NDLR).
Nous ne craignons pas de perdre nos téléspectateurs. Les fans voient cette première partie de saison comme un cadeau de Noël avant l’heure. Il suffit de regarder la page officielle Facebook, pour voir qu’ils sont très impatients ! La suite sera programmée en 2015, de sorte que le temps d’attente ne soit pas trop long.
Comment abordez-vous cette saison, qui est l’avant-dernière ? Comment une avant-dernière saison se construit-elle sur le plan dramaturgique ?
Plus que l’avant dernière, c’est surtout 1944, la Libération. Le concept du Village français nous impose de respecter la grande Histoire avant de s’intéresser à la petite histoire de nos personnages. La Libération annonce tout de même la fin de la série, dont le ressort dramaturgique premier reste l’Occupation. Une fois les Allemands partis, nous allons explorer les conséquences de l’occupation et la saison 7 sera une sorte d’épilogue au cours duquel on fera le procès de ces années noires, une saison dans laquelle nous verrons l’Histoire officielle se construire, certains témoins relatant des faits dont nous saurons qu’ils ne se sont pas déroulés exactement comme ils le disent…
En quoi cette nouvelle saison diffère-t-elle des précédentes ? Avez-vous bénéficié d’un budget plus important ?
Ce n’est pas une question d’argent (un épisode coûte environ 900 000 euros à la société de production Tetra Media et l’achat par la chaine s’élève à peu près à 850 000 NDLR) le financement du Village est resté grosso modo le même depuis la première saison. Toutefois, au cours de ces dernières années nous avons acquis une connaissance de la série et amélioré notre mode de production, ce qui a permis d’optimiser les moyens dont nous disposons pour le Village. Artistiquement, de saison en saison, nous avons plus particulièrement essayé d’améliorer l’addiction, la qualité des teasers, des cliff, le rythme des épisodes, l’utilisation de la musique… Bref tout ce qui est à notre disposition pour faire en sorte qu’un téléspectateur qui commence à regarder un épisode ne zappe pas.
Par ailleurs dans cette saison 6, et c’était déjà le cas dans la saison précédente, nous nous rapprochons plus des personnages, de leur intériorité. Ce qu’a très bien filmé Jean Philippe Amar, réalisateur des 6 premiers épisodes de la saison. Le public sait désormais que le village est une série avec une véritable rigueur historique, pas besoin de le rappeler sans cesse.
A quoi doit-on s’attendre en cette année 44 ?
La saison 6 c’est la Libération… Des pulsions! Loin de l’image d’Épinal des jeunes femmes sautant au cou des GI’S, c’est toute une violence jusqu’ici contenue qui s’exprime, des vengeances et règlements de compte sauvages : le départ des Allemands c’est aussi le début d’une guerre franco-française. Nous avons choisi de proposer une vision neuve et surprenante de la Libération.
Photo : TetraMedia Fictions