Toujours en complément du dossier séries de Chro #9, voici la deuxième partie de notre enquête sur ces séries françaises qui semblent irrémédiablement attirées par le sud-est. Cette fois-ci, ce sont les producteurs de deux séries emblématiques de cette tendance, Plus Belle la Vie et No Limit, qui nous expliquent leur attachement farouche à cette région.
Directrice de production de Plus Belle La Vie dès son lancement en 2004, Nicole Patin a supervisé la réalisation du soap pendant plusieurs années à Marseille. Elle nous livre les secrets de fabrication de la série la plus populaire de France.
Chro_ La série est très liée à l’actualité nationale comme locale, comment faites-vous pour avoir une actualité brûlante chaque jour ?
Nicole Patin : La série est liée essentiellement à l’actualité calendaire, ce qui ne s’est jamais fait auparavant dans aucune autre série, Noël, la rentrée des classes, la journée de lutte contre le Sida, le 14 juillet sont autant d’événements évoqués dans la série. Plus Belle La Vie étant diffusée cinq jours par semaine et 52 semaines par an, l’écriture parle des évènements « prévisibles » et connus préalablement. En cas d’élections par exemple, deux possibilités sont enregistrées et le résultat est diffusé.
Quels sont les rythmes de réalisation et de post-production ?
Nous tournons cinq épisodes par semaine en plateau. Pour les extérieurs, il faut six jours de tournage pour dix épisodes. Chaque épisode compte dix-sept séquences dont cinq ou six en extérieur. Enfin la post-production a lieu à Marseille.
Plus Belle La Vie accorde une grande importance à la ville en tant que telle, comment est venue cette idée de faire de Marseille un des « personnages » principaux de la série ?
Dans le cahier des charges d’origine, la chaîne France3 avait souhaité que le feuilleton se passe dans une ville du Sud. La ville est devenue un élément essentiel quand la place du Mistral, inspirée du quartier du Panier, est devenu le décor principal de la série. La ville était donc présente à l’image au quotidien. Enfin, la qualité des décors extérieurs a magnifié cette situation.
La lumière et les paysages de la ville et de la région sont mis en valeur dans la série, comment avez-vous travaillé avec les chefs opérateurs?
Le travail sur la lumière a effectivement été très important et ce, dès l’origine de la série. Le chef opérateur Serge Dell ‘Amico a été à l’origine de ce travail. Nous nous sommes attachés à créér une lumière chaude en accord avec les séquences tournées en extérieur.
Comment vous emparez-vous des sujets sensibles tels que la corruption, la criminalité, la politique, les quartiers sensibles ?
Les intrigues ne font pas particulièrement appel aux sujets sensibles de la ville de Marseille. Elles sont essentiellement des intrigues humaines qui touchent un public multiple. Toutes les générations sont représentées dans cette série et chacune y retrouve ses préoccupations du quotidien.
Quelles ont été les retombées économiques de la série sur la ville ?
Il n’y a plus de problème d’intermittence à Marseille ! Certains intermittents marseillais qui s’étaient installés à Paris pour trouver du travail sont revenus à Marseille grâce entre autre à la série et aux autres films tournés dans la région. Une centaine de personnes travaillent au quotidien sur Plus Belle La Vie (par ailleurs on compte environ 180 scénaristes NDLR). Les retombées économiques sur la ville sont très importantes tant en activité qu’en image.
—
Trois questions à Thomas Anargyros, Directeur de EuropaCorp Télévision
Chro_ Pourquoi avez-vous choisi Marseille comme lieu de tournage de No Limit ?
Thomas Anargyros : Dans le principe de la série, il y a cette cellule, Hydra, qui lutte contre la criminalité organisée. Et le type de criminalité auquel on s’intéresse est particulièrement développé sur la Côte d’Azur. Le choix s’est fait en fonction des histoires policières mais aussi par rapport à la lumière et aux décors. On avait envie de sortir de l’univers parisien, des décors de commissariat. On avait envie de la lumière du Sud de la France. C’était un choix artistique. Les décors et le paysage sont importants pour se distinguer des autres productions françaises.
Qu’offre cette ville de plus que les autres en termes de moyens de production ?
En terme d’infrastructure de tournage, Marseille offre l’équivalent de ce qu’on peut trouver dans toutes les grandes villes françaises. Mais la ville a fait l’effort de s’adapter aux demandes croissantes des tournages. A Paris par exemple, c’est devenu compliqué d’obtenir des autorisations de tournage dans certains quartiers. Marseille ayant envie d’accueillir des tournages, la Mairie a mis en place une structure d’accueil au niveau de la ville qui permet d’avoir rapidement les bons interlocuteurs pour travailler.
La série est un succès sur TF1 : l’attribuez-vous en partie au lieu où elle se déroule ?
C’est très difficile dans une série de savoir ce qui en fait un succès. Dans les études faites par TF1 auprès des téléspectateurs, l’originalité de Marseille apparaît comme un plus. Dans la série, certains endroits où on a tourné sont connus, comme le Vieux Port, mais on a aussi essayé d’aller dans des quartiers de Marseille où il y a eu peu de tournage, pour sortir un peu des sentiers battus et montrer aux téléspectateurs des lieux peu vus à la télé ou au cinéma.