Adaptée de la longue série de romans (plus d’une vingtaine !) de Michael Connelly mettant en scène le personnage éponyme, la première saison de Bosch n’est pas vraiment ce que l’on pourrait qualifier de pari risqué pour Amazon Studios avec cette incursion dans le cop show haut de gamme. Avec Connelly himself à la barre, accompagné de Pieter Jan Brugge (producteur de Michael Mann sur Heat ou The Insider) et Eric Overmyer (The Wire, Treme) ainsi que d’auteurs du calibre de George Pelecanos (une pelletée de grands polars et des épisodes parmi les plus marquants de The Wire) ou Diane Frolov (Les Soprano, Boardwalk Empire), il était évident que Hyeronimus « Harry » Bosch était entre de bonnes mains. Verdict ?
Passé un pilote laborieux (c’est le seul épisode de la saison à durer une heure) aux allures d’incipit balourd, la série adopte un rythme de croisière dont elle ne se départira plus. En adaptant plusieurs romans de la saga Bosch (Wonderland Avenue, Echo Park et La Blonde de Béton), les auteurs entremêlent diverses intrigues aussi complexes que prenantes témoignant toutes du savoir-faire littéraire et du potentiel cinématographique de l’oeuvre de Connelly. De la simple enquête à la Cold Case tournant autour d’ossements d’enfants à la traque d’un serial killer particulièrement retors et imprévisible mais aussi un procès où Bosch est accusé d’avoir abattu de sang froid un suspect en passant par les manoeuvres politiques bien particulières à l’oeuvre au sein du LAPD, cette saison n’est pas avare en storylines. Elle développe même suffisamment d’intrigues pour inciter son spectateur à “binge watcher” les dix chapitres de la saison comme il dévorerait un roman à grands coups de rebondissements malins mais toujours cohérents et d’accès de violence, sèche, froide et du genre à maintenir l’attention à son plus haut niveau…
Là où la série surprend, c’est clairement dans sa volonté de ne pas ressembler à d’autres cop shows. Certes, Bosch ne s’épargne pas les passages obligés que sont les relations amoureuses passées et présentes du héros ou même ses origines traumatiques commodément liées à l’une de ses enquêtes en cours, mais loin d’être des corvées pour le spectateur aguerri, ces temps, au sens musical du terme, apparaissent comme des respirations et des moments de flottement aptes à saisir l’état d’esprit de son héros, calqué sur le tempo bien particulier de Los Angeles. A ce titre, le season finale, anti-spectaculaire au possible, prend le temps de montrer Bosch passer la journée avec sa fille sans paraître ennuyeux ou poseur dans une volonté de se démarquer d’un cop show lambda. De très belle manière, Bosch achève de donner corps et âme à son personnage éponyme et témoigne définitivement de la réussite de la série. Au coeur de celle-ci, ce personnage emblématique de la littérature policière bien parti pour rejoindre le panthéon des grands flics de télé.
A ce titre, il convient de saluer le casting et le travail de l’acteur Titus Welliver, jusqu’alors abonné aux rôles de seconds couteaux, parfait de nervosité contenue et d’opiniatreté dans son portrait de cet autre inspecteur Harry. C’est simple, il n’a pas à rougir face aux autres incarnations Connellyennes à l’écran qu’étaient Clint Eastwood (Créance de Sang) et Matthew McConnaughey (La Défense Lincoln). Autour de lui, le casting constitué de têtes connues de The Wire (voir Marlo Stanfield en flic de la Criminelle tiré à quatre épingles vaut le détour) ou d’Urgences est au diapason, et si Bosch n’atteint pas la force de frappe directe et abrupte de la regrettée Southland, elle est ce qui s’en rapproche le plus à l’heure actuelle. Le manque relatif d’originalité des intrigues pourrait être le seul bémol de cette partition qui, aussi rebattue soit-elle, est jouée avec une telle perfection et un tel enthousiasme qu’elle ne peut que tout emporter sur son passage…