Venir à bout de la première saison de Black Sails était un acte de foi. Longue (malgré une saison de 8 épisodes), lente et peu mouvementée, elle s’apparentait à une agonisante mise en place des forces en présence (Netflix s’en est peut-être inspiré pour les 13 heures d’intro au personnage de Daredevil). Malgré tout, de la reconstruction de l’époque à la galerie de personnages en passant par les réjouissantes scènes de piraterie, de combats ou de violence nous offrant enfin ce que nous étions venus chercher, la série produite par Michael Bay faisait montre d’un potentiel de demandant qu’à être exploité.
La bonne nouvelle de cette seconde saison est qu’elle comble nos attentes les plus folles. L’échiquier laborieusement mis en place par la série est chamboulé par l’entrée en scène glaçante, dès les premières secondes de la saison, d’un nouveau pirate sanguinaire, Ned Lowe. Dans le maelström d’intrigues de la série – la chasse au trésor d’un galion espagnol, le combat des pirates pour la liberté et leur home sweet home de Nassau, les tractations et la chasse constante du profit – l’arrivée d’un véritable antagoniste fait un bien fou à la série et lui permet de repartir sur un bon cap. Qui aurait cru cela possible après la première saison ?
Dans l’approfondissement de ses thématiques, la série fait aussi très fort. La soif de liberté utopique des personnages est un beau sujet que la série prend soin de mettre face aux réalités de l’époque (pour les Anglais alors maîtres du monde, un pirate était pire qu’un djihadiste ne le serait pour nous en 2015) mais aussi à une réalité actuelle : la liberté, c’est l’argent et le pouvoir. Au fond, tous les personnages de la série recherchent la même chose et ce qu’ils découvrent, ou créent, est le libre marché et le capitalisme. Si les intérêts communs peuvent susciter des alliances ponctuelles, l’appât du gain (“the prize” après lequel chacun cavale), qu’il soit sonnant et trébuchant, sentimental ou question d’honneur est le plus fort et vecteur d’éclats de violences, de giclées de sang et de morts injustes. Bien sûr, Black Sails n’est pas Spartacus et prend le temps de construire la pyramide scénaristique menant à ces sommets de violence et de destruction. Si la série a toujours été l’anti Pirates des Caraïbes, elle achève de s’en éloigner tout en lui faisant la leçon concernant la piraterie à l’écran et la vérité sur cette époque fascinante.
L’écriture remarquable des personnages finit d’imposer la série comme un modèle actuel. Alors qu’ils approchent tous de la stature mythique que l’Histoire leur prête de nos jours, elle n’oublie pas leur humanité. À ce titre, la relation entre Jack Rackham et Anne Bonny, développée depuis la première saison, trouve ici son point d’orgue annonciateur de marées de sang tandis que les révélations sur la sexualité (sans que cela ne crée de tollé à la Walking Dead) et les motivations profondes du Capitaine Flint l’installent définitivement comme l’un des personnages de télévision les plus enthousiasmants et fascinants qui soient. En développant franchement sa complexité émotionnelle, Black Sails s’affranchit de son carcan politico-complotiste parfois pesant et difficile à suivre.
Si elle reste bavarde, cette seconde saison n’est pas avare en morceaux de bravoure. Les scènes de piraterie restent des sommets, chacune représentant un moment d’aventure au souffle épique rare pour la télévision. A celles-ci, on peut ajouter des scènes de négociation d’une tension extrême (un épisode entier centré sur une discussion sur la nécessité ou non de bombarder un fort reste passionnant), des échanges de pouvoir et des (dés)alliances aussi inattendus que jouissifs dans leur capacité à redistribuer les cartes de la série. Le point d’orgue de la saison est sans conteste son climax guerrier et chaotique dont la folie furieuse imprime la rétine et ne donne qu’une envie : avoir la suite, tout de suite. Avec l’entrée en scène de Barbe Noire (sous les traits de Ray Stevenson, Titus Pullo de Rome et la meilleure incarnation du Punisher au cinéma) lors de la prochaine saison, celle-ci risque de valoir le détour.