Dans les années 70-80, la peinture allemande domine la scène picturale européenne ; Richter, Baselitz ou Polke sont très bien cotés. Puis arrive la crise des années 90 qui fait s’éclipser la peinture allemande au profit de la photographie de Gursky, Ruff et Struth. En parallèle, une nouvelle génération d’artistes peintres se développe, principalement à Berlin et en ex-RDA. Une peinture diversifiée se détache, aussi bien abstraite que figurative, expressionniste avant tout. A l’Espace Paul Ricard, il est possible actuellement d’en découvrir l’une de ses facettes.
Le célèbre galeriste Daniel Templon, commissaire de l’exposition, a pris le parti de se focaliser sur quatre peintres et un sculpteur hors cadre. A une époque où tout le monde est abreuvé d’images et d’informations, où la numérisation rend toutes les vues de l’esprit possibles, des artistes reviennent à la peinture, au geste… avec « beaucoup de plaisir », on le suppose, puisque c’est ainsi que l’on traduit le titre de l’exposition, Viel Spaß. Le plaisir se trouve donc dans une esthétique renouvelant la réalité. Ainsi, les pin-up d’Anton Henning qui sont issues de photos de mode repeintes, ou le cerf d’Ulrich Lamsfuß, saisissant de réalité numérique, telle une scène d’Histoires naturelles à laquelle on aurait ajouté une couche d’effets Photoshop. Ses soldats ou ses mannequins sont également entre la réalité et le virtuel. Quant au Burned out de Michel Majerus, c’est un sample d’images de la publicité et des médias. Frank Nitsche, enfin, propose des formes au design high-tech sans pour autant reproduire quelque chose de concret. Les procédés sont certes des exercices de style, mais aussi et surtout un défi manuel en ce début de nouveau millénaire. Tous ces peintres nous invitent à repenser le sens de la réalité et celui de son apparence… bien que le message s’efface un peu derrière la représentation.
Ici, la relation à l’œuvre d’art change. On peut vivre dans les espaces lounge d’Anton Henning qui mêlent peinture, vidéo et mobilier ou sortir des cadres conventionnels grâce aux toiles de Michel Majerus réalisées sur cadre de rampe de skateboard sur lesquelles le public peut marcher. Andreas Slominski construit de réelles cages/pièges et son Trap for prairies dogs ne manque pas de laisser perplexe. La relation visuelle à l’art du spectateur devient également physique. On retrouve là un courant fort qui s’est généralisé à la fin des années 1990 et qui touche désormais toutes les pratiques artistiques.