Il y a quelque chose d’étrange qui se trame autour de Stereolab. Petit groupe au succès quasi confidentiel et aux tournées françaises sporadiques, il réussit pourtant à mobiliser les troupes dès qu’il débarque dans une salle parisienne, aussi petite et inconfortable soit elle… Autant prévenir le lecteur qui souhaiterait assister à un concert à la Boule Noire prochainement : la chaleur est intenable et l’air irrespirable dès qu’une vingtaine de personnes s’y retrouvent. Alors il suffit d’imaginer ce qui peut se passer avec Stereolab : concert complet, 200 fans qui attendent dans la rue qu’une bonne âme revende une place en rab, salle comble et surchauffée. Et pour couronner le tout, une attente interminable : ce n’est que vers 22 heures que Laetitia Sadier, Tim Gane, leurs jolies acolytes et leurs timides associés ont daigné monter sur scène.
Mais on en a eu pour notre argent : plus d’1h30 de concert, c’est rare, de nos jours. Bien sûr, les morceaux du dernier album en date Dots and Loops ont été privilégiés, du moins dans un premier temps. C’est peut-être ce qui explique un début de concert un peu poussif, qui nous faisait craindre le pire : ne retrouver sur scène que ce qui agace le plus chez Stereolab, les bip-bips répétitifs, l’utilisation exclusive d’un synthé presque énervant, des chansons interminables qui ne décollent pas, des mélodies gentillettes et légèrement fades. Heureusement, ça n’a pas duré. Les spectateurs n’auraient certainement pas supporté : c’est surtout quand le groupe s’est mis à jouer de vieux morceaux du début des années 90, ces morceaux qui n’oublient pas l’importance d’une guitare carrément noisy, que le concert a vraiment commencé. Et les fans ne s’y sont pas trompés, réclamant et s’enthousiasmant pour Super-electric, The Light that will cease to fail ou Orgiastic. C’est là qu’on comprend, après un splendide rappel, interminable et hypnotique, que ce n’est pas avec Dots and Loops que Stereolab connaîtra son heure de gloire : son apogée, il l’a connu en 92 ou 93, avec les albums Switched On Stereolab et Peng!. Des albums restés injustement confidentiels, alors qu’ils ont créé un son et un genre musical d’une originalité époustouflante. Il est temps, avant que ce ne soit trop tard, de reconnaître que c’est au début des années 90 que Stereolab a ouvert la voie à la musique de demain.
Stéphane Buron