On tombe par hasard sur l’exposition ou on la cherche longuement dans l’enfilade des salles. Le fait que rien ne soit indiqué dans le musée pour diriger le visiteur vers Souvenirs de Berlin-Est n’est qu’un avant-goût de ce qui attend ledit visiteur. Car une fois dans la petite salle aménagée pour l’installation de Sophie Calle, il se trouve tout aussi perdu.
On le sait, l’artiste aime questionner la trace, le souvenir, la mémoire. Le travail photographique présente donc les vestiges de l’Allemagne de l’Est tels qu’ils sont aujourd’hui. Car ces stigmates ont une réelle existence, ils rappellent l’absence : des plaques enlevées aux murs restent les trous, des statues démontées restent les socles, des monuments commémoratifs détruits, dans les parcs, restent la terre retournée au milieu de l’herbe verte. Mais ce travail ainsi présenté, basé en partie sur le système « avant – après », perd de son intérêt puisque le visiteur (toujours lui) doit imaginer « avant », ce qui lui semble assez difficile et finalement sans intérêt. Du coup, la lassitude l’assaille et il quitte le lieu qu’il a si longuement cherché. S’il est assez familier de l’œuvre de l’artiste, se remémorant les fameux petits livres qui ont pour habitude d’accompagner les travaux de Sophie Calle, une intuition le mènera vers la librairie du musée. Là, rassuré, il constatera qu’un recueil à couverture rouge vient combler toutes ses attentes.
Le sujet, en effet, demande plus d’écrits que ce qui est proposé dans l’exposition. Le petit livre rouge devient ainsi un élément précieux qui donne toute sa consistance au travail de l’artiste. En pleine page, une photographie du Berlin actuel avec, en vis-à-vis, des témoignages de Berlinois qui se souviennent -plus ou moins- de ce qu’il y avait avant. Les interventions se suivent de manière à se compléter, se contredire ou se nuancer. Des efforts de mémoire réalisés par les Berlinois et du travail sur le souvenir qu’a entrepris l’artiste ressort l’importance des croyances populaires, des rumeurs ainsi que de l’attachement, pour certains, à ces statues qui faisaient partie de leur quotidien. Chaque chapitre est consacré à un vestige et se clôt sur une photographie d’archives qui vient réajuster les témoignages. Ainsi, cette publication contient tous les éléments nécessaires à la compréhension et à l’appréciation de l’exposition Souvenirs de Berlin-Est. Malheureusement, la « scénographie » ne la fait qu’à peine participer : elle doit se trouver posée sur un pupitre, à la sortie de la salle. Pourquoi donc accrocher un travail passionnant si c’est pour l’abandonner ensuite ?