Tous les mois, les séances d’écoute nous permettent de découvrir des artistes relativement différents, ayant tous pour point commun un sévère engagement dans le champ des explorations sonores. Après avoir parcouru l’electronica pure et dure (Tone Rec), une électroacoustique plus « réfléchie » (Markus Schmikler, David Linton) ou encore le bruitisme total et extrême (Russel Haswell, MAZK), il semblerait que les organisateurs du Métafort aient choisi de placer cette sixième édition sous le signe d’une expérimentation musicale plus « conventionnelle ». En comparaison des autres soirées, celle-ci fut effectivement beaucoup moins ténébreuse, mais la musique qui y fut diffusée restait tout de même en-dehors des sentiers battus… En fait, cette séance d’écoute était consacrée au label d’électronique dure Noise Museum. Au programme, un ponte du label ayant déjà deux albums à son actif : Dither ; ainsi que deux nouvelles signatures : Tin Foil Star et Hood. En gros, une petite déviation par rapport aux habitudes du Métafort, mais vraiment pas de quoi crier à la débauche commerciale…
D’un album à l’autre, Marc Titolo n’a pas changé la formule de ses prestations scéniques. Les concerts de Dither continuent à mêler musique électronique jouée en temps réel et projections vidéo. Seulement, les ambiances sonores de son nouveau disque, Apogee, sont nettement différentes de ce qu’il nous avait donné l’habitude d’entendre jusqu’à présent. Ce qui nous a donc donné droit à de nouvelles images, n’ayant absolument rien à voir avec celles de son dernier concert parisien, aux Instants Chavirés il y a quelques mois… Toujours seul face à son mur de machines (qui a lui aussi bien évolué au fil du temps), Dither nous a embarqués dans un univers de sons syncopés et de parasites visuels assez abrutissants. Contrairement à l’époque de ses premiers pas sur scène, durant laquelle il se cachait timidement derrière de longues boucles répétitives, Titolo s’est ici lancé dans des morceaux aux constructions bien plus recherchées. Ses ambiances sont bien sûr toujours aussi pesantes, mais elles sont beaucoup moins régies par de simples évolutions progressives. Apparemment, Apogee semble davantage être basé sur des mouvements musicaux répondant aux phénomènes de l’aléatoire, d’où ces violentes cassures rythmiques et tonales… Par un jeu de montage synchronisé (techniquement parfait), les images projetées sur écran géant derrière lui sont progressivement rentrées en symbiose avec la musique. Cette association des deux médiums donne chez Dither un résultat vraiment réussi, un travail peut-être un peu trop influencé par ceux de Dumb Type, mais qui fait de l’effet sur le spectateur…
Venu tout droit de Belgique, la nouvelle signature de chez Noise Museum, Tin Foil Star, est à la base le projet musical d’une seule et unique personne. Seulement, pour cette prestation live, ce groupe s’est produit sous la forme d’un trio maniant plusieurs instruments : claviers, boîte à rythmes, sampler, séquenceur et basse. Calmement installés face aux tables sur lesquelles reposaient tous leurs appareils, les musiciens se sont doucement engagés dans de longs morceaux calmes et répétitifs. Rappelant très souvent les instrumentaux obsessionnels des Peel sessions d’Autechre, tout en ayant la douceur des Selected ambiant works d’Aphex Twin, la musique de Tin Foil Star enivre l’auditeur au point de le tromper avec les plus simples phénomènes de répétition. L’enjeu est simple, loin d’être novateur même. Mais au résultat, l’effet est toujours aussi agréable : les sons s’installent et se mêlent, au point de former un ensemble -à la fois uniforme et en perpétuelle évolution- que le spectateur redécouvre constamment au fil de son écoute…
Pour la dernière partie de la soirée, la surprise réservée aux spectateurs fut doublement déconcertante… Qui aurait pu penser qu’un groupe de pop signerait un jour chez Noise Museum ? Qui aurait pu imaginer que ce même groupe jouerait pour une séance d’écoute ? Enfin, il est vrai que Hood n’est pas un groupe pop classique, que l’apport de sonorités électroniques à la formation basse / guitare / batterie rend leur musique bien moins conventionnelle… Le fait, par exemple, de jouer sur des breaks inattendus, durant lesquels de simples plans rock s’enchaînent à de violents passages de boîte à rythmes saturée, donne au groupe une touche très singulière. Mais ça n’a apparemment pas suffi pour certains personnes dans le public qui ont quitté la salle dès le premier morceau, outrés qu’une telle musique puisse être jouée en ces lieux sacrés. Malgré ce léger détail, ainsi qu’un bon nombre de défaillances techniques relativement gênantes (sono pourrie, balance des instruments minable, sampler défaillant…), les Anglais de Hood ont réussi à assurer un set vraiment réussi qui s’est terminé sur une apocalypse noisy digne des meilleurs concerts de My Bloody Valentine.
Prochaine séance d’écoute le 22 février 2000, avec Patrick Bouvet et Kaffee Matthews
Le Métafort
30, rue Lopez et Jules Martin – Aubervilliers