Ce que disent ces instantanés est une vérité impossible : le régime mis en place par Pol Pot ne s’embarrassait même plus de justifications pour tuer. Les Cambodgiens étaient soumis à l’arbitraire le plus indicible : arrêtés et emmenés au camp S21, dirigé personnellement par Pol Pot, ils subissaient des traitements d’une effroyable dureté, devaient avouer n’importe quoi sous la torture, et périssaient à coup sûr dans une fosse. Ennemis de quoi ? Pol Pot disait que le communisme se construirait d’autant plus facilement qu’ils seraient moins nombreux. Un million de bons communistes lui semblait largement suffisant… C’est l’élimination pour l’élimination. Sur six millions de Cambodgiens, entre un million et demi et deux millions ont péri de ce régime odieux qui laisse des traces fortes, près de 20 ans après. La dernière campagne de Handicap International sur l’interdiction de fabriquer et de vendre des mines antipersonnelles faisait directement référence à ce pays où les enfants explosent en travaillant dans les rizières.
Ces visages qui fixent l’appareil, dans un dénuement complet, font face au vide. Ils regardent leurs bourreaux avec cette absence de douleur que génère l’incompréhension absolue. Le photographe qui a pris ces clichés vit encore, il a témoigné, lors du dernier salon de la photographie d’Arles, de l’effroi de la situation : les visages de ces victimes sont sans nom. Le régime des khmers rouges a inventé l’anonymat personnifié. Dans le musée où ces photographies sont exposées, dans l’ancienne école que les tyrans avaient transformée en camp, les familles des victimes écrivent leur nom sur le cliché. C’est la seule trace certaine de ces victimes.
15 000 personnes ont été internées à S21. Sept en sont sorties vivantes.
Pavillon Paul-Delouvrier
Parc de la Villette
211, avenue Jean-Jaurès, Paris 19e
Jusqu’au 12 juillet 1998
Les jeudis et vendredis de 14h à 19h
Les samedis et dimanches de 12h à 19h.