Il n’y avait pas grand monde ce soir-là à Pleyel. Pourtant quel beau programme ! L’Enchantement du Vendredi Saint est une des pages magiques de Wagner bien loin de sa réputation de compositeur bruyant aux tendances nazies. Le Concerto de Szymanowski est une pièce rare, clairement marquée par l’art de Scriabine et celui des Debussy et Ravel. Enfin, la 4e symphonie de Sibelius est une œuvre abrupte qui laisse peu de place au bonheur. Tendue, rugueuse, elle est peut-être le chef-d’œuvre du Finlandais. Finlandais qui est largement honoré cette année. Hormis le cycle que lui consacre l’Orchestre de Paris, mentionnons la rétrospective à l’Auditorium du Louvre où, jusqu’au 2 décembre (dépêchez-vous), des concerts ont lieu. Par ailleurs, si vous êtes près de Nancy, vous pourrez assister aussi à une intégrale Sibelius. Mais revenons à notre concert.
L’Orchestre de Paris ne pouvait pas être mieux dirigé pour l’occasion. Saraste appartient à cette génération de musiciens nordiques (citons son plus illustre représentant Esa-Pekka Salonen) qui parcourent la planète. Depuis cinq ans Saraste fait partie des chefs qui régulièrement honorent la musique par ses interprétations. Son intégrale des Symphonies de Sibelius n’est pas passée inaperçue. Son interprétation de la 4e a été là pour le démontrer encore une fois. Il fait de cette œuvre un moment de musique pure où la tragédie semble toujours imminente. On regrette le solo un peu désincarné du premier violoncelle tout en admirant la puissance et la profondeur des cordes qui, on ne le dit pas assez, ne sont pas uniquement une spécialité allemande. A n’en pas douter, Saraste a trouvé le ton juste et a pu mener à bien son grand œuvre. Si son interprétation de Wagner n’a vraiment pas convaincu (on n’avait juste Knappertsbusch dans l’oreille), Szymanowski nous a laissé une interprétation mitigée. Il y avait bien du plaisir à entendre une œuvre peu commune mais Juillet, pourtant spécialiste de ce concerto, n’était pas en très grande forme : approximative dans les attaques, intonation parfois limite (c’est très dur car toujours dans l’extrême aigu). Cependant on ne cachera pas que plus on aime, plus on est difficile.
La suite du cycle Sibelius par l’Orchestre de Paris aura lieu le 20 janvier (Sanderling), le 23 février (Oramo), le 16 mars (Segerstam), le 22 mars (Järvi) et le 24 mai (Ashkenazy). C’est assez rare ! Donc, au moins un de ces concerts s’impose. Voir le site de l’Orchestre de Paris