Il y a déjà eu à Paris trois rétrospectives monographiques du peintre : une en 1874 aux Beaux-Arts, une en 1922 au Petit Palais, et la troisième au musée Jacquemart-André en 1958. Or pas une seule fois les commissaires purent présenter les chefs-d’œuvre du maître, détenus par le Louvre.Heureusement aujourd’hui tout s’est arrangé puisque nous pouvons voir non seulement les grands tableaux du Louvre, mais aussi ceux d’autres musées, notamment étrangers.Cette précision étant apportée, que penser de cette exposition de « chefs-d’œuvre » ?Un détail important concerne l’état psychologique du visiteur. Il faut vous prévenir que l’atmosphère de l’exposition est confinée, voire endormante. Les murs sont rose framboise et la moquette marron, ce qui ne conduit malheureusement pas à opter pour une attitude dynamique face à ce que l’on souhaite voir et découvrir. Il est clair qu’en dehors de ses tableaux les plus célèbres, « L’Impératrice Joséphine » et « La justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime », ce peintre est pour le moins inconnu du grand public. C’est donc partant d’une bonne volonté que le Grand Palais a voulu nous le faire connaître.
La façon dont les tableaux et les dessins se succèdent, en bref l’organisation de l’œuvre de Prud’hon a été faite sans la moindre prise de risques, puisque les tableaux sont présentés à la fois par ordre chronologique et par thèmes (comprendre : les périodes historiques qu’il a couvertes : l’Ancien Régime, la Révolution et la République, l’Empire et la Restauration sont découpées par thèmes).
Les commentaires qui accompagnent les tableaux sont complets et instructifs. Mais là, rien de très original. On n’en attendait pas moins. On y découvre donc essentiellement des dessins à la plume, à l’encre, au lavis brun, à la gouache sur papier bistre, des peintures, et des gravures à l’eau forte.C’est certes un peintre qui est répertorié néoclassique, mais plutôt singulier.C’est pour certains même un inclassable, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Il s’écarte rapidement des thèmes traités à l’époque, c’est-à-dire les sujets d’histoire antique, et préfère s’adonner à la peinture d’allégories, en peignant des Idées et des Sentiments.On l’appela « le peintre de la grâce » ou « le Corrège » français, et il fut reconnu de son vivant. Il effectua notamment des portraits « officiels » de Joséphine et de Talleyrand.Il est troublant par sa sensibilité, par sa volonté de nous dire des choses tant et si bien que les Romantiques virent en lui un précurseur…A noter, son « Andromaque », dans lequel il peint l’émotion et la surprise de la femme de feu Hector quand elle retrouve sur les traits de son fils le visage de l’homme qu’elle a aimé. Mais aussi des dessins de nus d’hommes et de femmes qui sont superbes (au crayon noir et blanc sur papier bleu). On a dit qu’il aimait peindre le sentiment amoureux comme sujet d’allégories. Si donc vous manquez d’imagination ou si cette dernière est un peu tarie, et que vous recherchez un idéal féminin, eh bien Prud’hon répond à votre angoisse puisqu’il vous propose « Une tête idéale » et même une « Tête de l’amour ». Les titres de certaines œuvres laissent rêveurs : « L’Amour séduit l’Innocence, le Plaisir l’entraîne, le Repentir suit ». Que dire de plus ?Si, dans la rotonde, on trouve des panneaux de dimension assez haute, plutôt amusants, et cette fois-ci bien exposés. Commandés sous la période du Directoire par un riche bourgeois, ils représentent le décor d’un salon. Et une « enseigne de chapelier », un bien modeste travail de jeunesse (d’après les commissaires) mais pour le moins pittoresque. Nous avons dit également qu’il exprimait des idées : ses allégories révolutionnaires ont parait-il contribué à diffuser les idées de la Révolution française. C’est capital !Mais sa peinture reste néanmoins classique, et peu enthousiasmante. Les tableaux ne sont pas toujours bien éclairés, et il y a peu de tableaux exceptionnels. Alors pourquoi le rêve du bonheur ? Il faut aller jusqu’à la fin de l’exposition pour comprendre ce thème qui nous nargue durant toute l’exposition… »Le rêve du bonheur » est un tableau de 1819 qu’il a travaillé en étroite collaboration avec sa compagne et ancienne élève Constance Mayer. Il l’a terminé, Constance ayant décidé de mettre fin à ses jours cette même année. L’amour auquel ils devaient tous deux aspirer est représenté dans ce tableau, l’homme y protège cette femme entourée d’enfants, voguant sur une barque au clair de lune. Son existence fut parait-il malheureuse, et son art un rêve de bonheur. C’est émouvant.On peut enfin entrevoir l’homme derrière le peintre.Galeries Nationales du Grand Palais
Av. du Gal Eisenhower
Square Jean Perrin, 75008 PARIS
Minitel 3615 « Galeries Nationales »
Horaires : TLJ sauf le mardi de 10H à 20H.
Mercredi de 10H à 22H.
Prix d’entrée : PT 45 FF, TR et lundi 31 FF.