L’homme est grand, imposant. Il avance d’un pas assuré, une valise dans une main, l’autre offerte à l’enfant qui le suit. Le regard du visiteur glisse de l’un vers l’autre ; il suit le mouvement des mains, des corps pour se poser sur l’ébauche d’une tierce figure, celle de la mère. Le temps semble s’être arrêté sur un instant de la vie des trois personnages comme il semble avoir retenu la main de l’artiste à un moment du processus créateur. La figure de la mère illustre la première étape de la réalisation plastique : l’ébauche de la forme en polystyrène. C’est à partir de ce noyau dur, renforcé par une armature métallique, que Diadji Diop sculpte ensuite ses personnages dans un mélange de plâtre et de filasse. Si, techniquement, l’ensemble relève de l’esquisse (les pièces sont destinées à être « fibrées » en résine), il est aussi le point de départ d’un projet plus vaste, en cours de réalisation : la représentation d’une famille multi-culturelle dont les membres seraient issus des quatre continents. Génération après génération, les « alliages » de nationalités se multiplieraient, constituant une humanité d’autant plus forte qu’elle fut brassée. Cette croyance en un enrichissement fortifiant de l’Homme par l’échange et le mélange ne peut se concevoir pour l’artiste, sans l’idée du respect des différences et des spécificités culturelles de chacun. L’une des sculptures les plus imposantes à la fois par la taille (1m90) et par l’originalité évoque l’impossibilité de répondre à la question d’une antériorité supposée de l’apparition d’un sexe sur l’autre. Mi-homme mi-femme, alternativement homme et femme par la juxtaposition en damier des couleurs jaune et rouge correspondant aux organes respectifs des deux entités, l’œuvre incarne le refus d’attribuer une quelconque supériorité à l’un des deux sexes. Elle prône le respect et l’égalité dans la différence.
Si la plupart des œuvres de Diadji Diop sont la matérialisation d’une idée, d’un concept qui tend à sublimer une réalité complexe, d’autres puisent dans le répertoire culturel du vécu de l’artiste. Dans certains villages d’Afrique (l’artiste est sénégalais), les cérémonies de mariage s’accompagnent encore aujourd’hui d’une compétition sportive au terme de laquelle la main de la désirée est offerte au vainqueur. L’homme qui marche sur les mains représente le lutteur, la femme au maintien hiératique que l’on aperçoit entre ses jambes, la promise. Ces jeux de regard et la réflexion sur la place de la sculpture dans l’espace sont une des composantes majeures de l’œuvre de l’artiste. Le visiteur est invité à se déplacer entre les pièces, à les contourner, les frôler… Il lui faut même se pencher par-dessus la balustrade de la galerie d’exposition (située en mezzanine) pour observer une femme suspendue au-dessus du vide. L’effet est des plus surprenants. Pendant ce temps…, en contrebas, une femme accouche. Symbole de l’origine commune des hommes qui ne tient compte ni des différences raciales ni des discriminations économiques et sociales, cette pièce ainsi que l’œuvre de l’artiste dans son ensemble sont autant d’appels à l’échange, au respect et à la tolérance.