La rive gauche du 13e arrondissement de Paris connaît, depuis quelques années, de grands réaménagements (le Palais Omnisport de Bercy, le Ministère des Finances, le projet Météor et bien sûr la Bibliothèque Nationale de France). A côté de la B.N.F., se trouve un bâtiment industriel déserté : la Halle aux Farines des Grands Moulins de Paris. Ce vaste lieu va devenir un nouveau pôle universitaire. Mais avant cette restructuration, la Halle accueille une exposition étonnante. D’une part parce qu’elle est l’initiative d’une agence de design (Cent Degrés) qui fête ainsi son dixième anniversaire et d’autre part parce qu’elle mêle la photographie, la vidéo, la musique mais aussi des détournements des créations de l’agence Cent Degrés, sur une vingtaine d’installations. Comme c’est une exposition résolument contemporaine, le visiteur est actif, il participe aux créations ; il pédale de manière à faire bouger des photographies de Denis Chapoullié sur support transparent, jouant ainsi entre elles et recréant l’idée de mouvement ; il peut intervenir sur les quatre Cadavres exquis de Robert Stark qui assemblent l’intérieur et l’extérieur du corps, le masculin et le féminin, de vraies personnes et des mannequins. Poursuivant dans cet « itinéraire d’expérimentations », le visiteur est invité à pénétrer dans des lieux clos : l’Igloonirique de Béatrice Ladurelle qui s’arrondit comme un ventre maternel, le couloir étroit telle une ruelle sombre où se succèdent les Cyber bitch d’Eric Reddad derrière des vitrines aux airs de distributeurs de boissons vite consommées, aussitôt jetées, ou encore le Tentationnal, créé par Cent Degrés, succession de sept « confessionnaux » illustrant par la vidéo les sept excès de notre société.
L’image photographique tient une place primordiale dans cette exposition, elle se décline sous différentes formes (diapositives, sur plastique, sur film auto-éclairant), en formats monumentaux pour La Forêt de femmes de Fred Aufray, photographies aux couleurs lumineuses (Jean-Luc Viardin) ou en camaïeu de gris chez Olivier Pin-Fat. Une mention spéciale pour Petrov, dont son installation, Le Cri, provoque une angoisse qui n’a rien à envier à Munch : un fauteuil de dentiste vide attend le visiteur, alors que devant lui un film montre un homme en fuite sur lequel se superpose une projection de photographies de personnes hurlant. L’Envers du décor, du même Petrov, pose le problème de l’identité sexuelle. Kermit la grenouille, Spiderman ou Minnie semblent être surpris dans leur banale intimité et dévoilent ainsi une nudité à laquelle on ne s’attend pas. La frontalité de ces photos, leur vérité toute simple, leur donnent justesse et pertinence. C’est une des installations les moins sophistiquées mais probablement l’une des plus marquantes.
Loin de s’arrêter à cette grande exposition, Cent degrés tient à faire de la Halle aux Farines des Grands Moulins de Paris un lieu de rencontres (soirées thématiques) et d’événements (concerts et défilés), le temps de la manifestation Les Moulins en ébullition.