Pauvre chère Violetta ! En 145 ans de scène, elle aura connu tous les délires heureux ou hasardeux. Après la reconstitution minutieuse de Visconti à la Scala en 1955 (avec la Callas), après l’inventivité de Francesca Zambello à Orange (avec Casselo et Alagna) ou Bordeaux en 1996 (avec Vaduva), Bastille présente pour cette nouvelle production, une recette savoureuse en quatre points. Primo, une mise en scène inexistante aux subtils déplacements soigneusement statiques : merci Jonathan Miller. Secundo, un décor immonde, très » nains de jardin » au deuxième acte, et pseudo psychanalytique le reste du temps : merci Ian Mac Neil. Tertio, des costumes honnêtes : merci Clare Mitchell. Enfin, des voix au top : mille merci aux chanteurs, miss Gheorghiu en tête.
Sous la baguette de Conlon, net et sans bavure mais sans la fougue d’un Muti dans les passages dramatiques (les attaques de la fin des second et troisième actes), les chanteurs trouvent leurs marques vocales. Alexandru Agache dans le rôle de Giorgio Germont manque un peu de ces élans torturés qui font la beauté du rôle (écoutez Coni à Orange ou avec Muti). Ramon Vargas, jeune ténor mexicain, déplace sa cour de fans avec raison. Voix chaleureuse et nuancée que viennent enrichir des qualités d’acteur malheureusement un peu longues à éclore (la scène de vengeance du deuxième acte reste un peu froide). Last but… LA star qui, précédée de sa réputation glamour, balaie en un instant les réticences des anti-star-system. Violetta idéale faut-il le rappeler. Vocalement évidemment. S’imposant sans heurts dans tous les registres, la voix de la belle roumaine passe la rampe avec force. Emouvante, par son jeu comme les Violetta légendaires, la Gheorghiu séduit sur tous les fronts et fait oublier toutes les faiblesses de cette production parisienne.
Karine Duquesnoy