Si vous connaissez Haïti pour sa tradition et ses « Tontons Macoutes », savez-vous que l’île a ses artistes et son école de peinture ? En moins de cinquante ans un véritable courant s’est dessiné : des peintres agriculteurs de l’après-guerre aux talents inspirés et reconnus d’aujourd’hui. Les premiers « artistes » de ce bastion révolté d’esclaves ancraient leurs créations dans l’offrande vaudou au Baron Samedi.
La Halle Saint-Pierre consacre cette peinture haïtienne sur deux étages. On s’attend à un véritable dépaysement : entre mysticisme, exotisme et art. A l’entrée, on est accueilli par deux Barons de bronze (Vilaire). Les salles sont dans une demi-obscurité : une chambre-boudoir en paillettes multicolores ornées de serpents… Les ombres effrayantes des tôles martelées par Liautaud… Les drapeaux-vévé avec leurs têtes de morts… Les croix aux incrustations de têtes de poupée… On se croit à Haïti prêt à voir surgir, d’on ne sait où, un mort-vivant. Hélas on déchante assez vite. Les toiles primitives rappellent les cours d’arts plastiques. Seul leur contexte mérite qu’on s’y arrête. C’est l’aventure de l’école Saint-Soleil avec ses bons élèves Robert Saint-Brice et Hector Hyppolite. Mais malgré les kakémonos, il nous manque certaines clés religieuses pour réellement aller au-delà du côté formel.
A l’étage, tout s’éclaire face à un art mature et fort. Les têtes de Rock-Lor vous épient, les statues de Nasson vous parlent. Des clichés de femmes en transe dans la boue… Un long couloir gris aux coussins éventrés et tachetés de sang vous conduit à Basquiat, le New-Yorkais… On se laisse facilement pénétrer tantôt par la brutalité tantôt par le surnaturel des travaux. Toutes les toiles sont hantées par un héritage sorti de terre (Franz Lamothe), où les morts-vivants vous guettent. Au final, un voyage artistique au pays du vaudou d’où on revient avec le sentiment que la moitié de l’exposition ne sert qu’à comprendre l’autre moitié, qui, elle, vaut le détour.