Choisissant d’exposer leur corps en tant qu’objet, immédiatement disponible, Gilbert & George cherchent à atteindre un public le plus large possible sans faire de concessions quant au caractère provocateur de leurs œuvres.
La scène se passe au Musée d’art moderne de la Ville de Paris : un couple contemple une œuvre immense qui représente des agrandissements démesurés de sperme et d’urine observés au microscope. Comme beaucoup d’autres visiteurs, ces personnes sont venues voir Gilbert & George parce qu’on ne parle que d’eux dans les medias.
Cette manifestation est la première grande rétrospective Gilbert & George organisée a Paris depuis celle du Musée national d’Art moderne, en 1981. Elle rassemble quelque cent vingt numéros d’artistes, affichant tous les aspects d’un travail auquel Gilbert & George donnent le terme générique de « sculpture » : vidéos, œuvres réalisées à partir de négatifs photographiques, dessins.
Le parcours du visiteur suit un ordre chronologique. Il débute par la vidéo de leur célèbre Singing Sculpture, créée en 1971. Au son d’une vieille chanson des années 40, ils se déplacent lentement comme des automates.
Dans la première salle sont exposés les formats imposants des années 1974-1976, certainement la période la plus intéressante. Des œuvres comme Cherry Blossom ou Human Bondage mettent en valeur une symétrie et un effet de mouvement originaux. L’introduction de la couleur rouge renforce l’atmosphère oppressante et inquiétante, révélatrice d’un huis clos violent et douloureux. La grille, formée par la juxtaposition des cadres, crée un effet de vitrail.
L’évolution stylistique au gré des salles montre bien le cheminement vers le radicalisme de leur démarche artistique. L’étape est franchie avec The Naked Shit Pictures (1994), précédé de Naked Eye. La mise à nu se systématise et ils osent désormais s’attaquer au plus fort tabou de la société : la scatologie, comme métaphore existentielle. The Fundamental Pictures (1996) mettent en scène les artistes devant des agrandissements de sécrétions humaines encore une fois observées au microscope : sperme, urine, salive, sang. Certains visiteurs sont mal à l’aise devant cette profusion. D’autres au contraire trouvent ça plutôt drôle.
Parallèlement, ce dévoilement se radicalise et le thème de l’homosexualité, dans tout ce qu’il n’a pas de suggéré devient totalement inséparable de la signification des œuvres. Bloody Mooning en est probablement la démonstration la plus aboutie.
Toutes ces œuvres étonnent, et c’est sûrement un motif suffisant pour faire le déplacement.
Les gentlemen-provocateurs sont au musée d’Art moderne à Paris jusqu’au 4 janvier 1998.