Mon jean recevant un mail, science-fiction ? Le futur du vêtement, mélangeant nouvelles technologies, nouvelles matières, accès haut débit et services, va nous transformer en bureaux portables. Bien que la réalité du réseau soit encore loin de ces prototypes extraordinaires, une petite revue de Web s’impose.
Mode et Internet ne font pas toujours bon ménage, et Boo.com qu’on annonçait comme LE site de vente de vêtements branchés n’est plus : le Nasdaq s’affole et les start up rendent l’âme. En occultant le rapport tactile de l’acheteur face au vêtement, les entreprises ont semble-t-il oublier qu’un habit ne se vend pas de la même manière qu’un disque.
Certains sites survivent, principalement ceux de grosses compagnies aux reins solides et aux investisseurs fidèles, ou les nouvelles pousses originales. Elles se sont lancées dans le vêtement personnalisé, du sur-mesure formaté. La pratique comporte pourtant certaines limites : Nike a refusé de fabriquer une paire de chaussures personnalisables sur laquelle l’acquéreur avait fait marquer sweatshop. Référence aux ateliers où la main d’œuvre est exploitée.
Peu de sites proposent une nouvelle façon d’appréhender le vêtement dans une relation artistique avec le réseau. On se souvient pourtant d’ORA-iTO auquel Chronic’art a déjà consacré un article, et dont le sac Vuitton modélisé en ligne joue entre cynisme, humour et décalage. Mais la démarche tend plus vers l’auto-promotion que vers une réelle réflexion sur la façon de vampiriser les codes de la mode.
Plus critique, Fabrikverkauf propose en quelques clics de nous vendre un T-shirt, de nous faire adhérer à une communauté, de nous transformer en mécène et en support artistique… tout un programme. Sur ce site allemand, le surfeur choisit un vêtement parmi une dizaine dessinés par Frieder Rusmann. Il le recevra chez lui une fois la transaction effectuée. L’acheteur devient le support à l’oeuvre et peut faire paraître sur le site les dates et heures de ses prochaines exhibitions comme autant d’expositions vivantes disséminées à travers le monde. L’heureux possesseur d’un T-shirt se voit attribuer un identifiant et un mot de passe lui ouvrant ainsi les portes d’une communauté virtuelle. On peut ainsi consulter sur le site quelques photos d’heureux acquéreurs arborant fièrement leur achat. Dans la lignée de Marcel Duchamp et d’Andy Warhol, chacun peut devenir autre chose que soi-même (les acheteurs deviennent des galeries vivantes), chacun obtient son heure de gloire par sa médiatisation sur le réseau. Brouillage des codes, brouillage des supports sont au programme du défilé de pixels.
Fabrikverkauf est un site expérimental qui met à nu les pratiques de l’e-commerce en les transférant dans le domaine des arts plastiques. L’architecture du site est ultra sobre, à l’image des vitrines minimalistes de magasins branchés : priorité au contenu. Fabrikverkauf utilise les mêmes méthodes que le marketing vestimentaire et les englobent dans une réflexion artistique et critique au point d’en oublier le vêtement. Place au rêve ?
D’Adidas à Zara en passant par Dior, l’habit nous offre en plus du tissu, d’une coupe et d’un logo, une appartenance virtuelle à un groupe social aux frontières floues. Et si le concept de Fabrikverkauf ne vous intéresse toujours pas, quelques sites de créateurs sont à découvrir. Profusion de Flash ou épure zen, ils s’apparentent plus à de luxueux prospectus qu’à des chefs d’oeuvres de créativité. Dans les rayons du Web, à vous de tout essayer ; pour notre part, restons fidèles a Fabrikverkauf !