Avant d’opérer Ben Harper, un petit mot sympathique pour Joseph Arthur, la première partie. Chapeau Joseph : nous faire tripper cinq chansons avec une guitare, une voix et des samples merdiques, c’est du grand art -à Bercy s’entend. C’est sûr qu’imaginer aujourd’hui Ben Harper dans une petite salle, enfin, une salle à dimension humaine, c’est de l’utopie. Qui achèterait les autocollants des Innocent Criminals à dix balles pièce, à la Cigale ? Mais ça aussi, c’est accessoire (Harper est « marketté » de part en part, sans que ça ait l’air de l’affecter)… car, avec lui, le spectacle n’est jamais sur scène (assis, concentré, travaillant sur la bête -laissons-le tranquille), mais bel et bien directement dans les oreilles, avec nous. Et l’on a beau dire, Bercy, plein comme un œuf, qui ne fait qu’un, soudain, durant deux heures, ça ne laisse pas indifférent. Surtout que la bière servie, c’est de la 8.6 et qu’un concours d’OCB s’opère sans pitié dans l’enceinte.
Ben Harper est ce mutant œcuménique et universel dont on n’attend musicalement plus grand-chose. Mais il n’est pas fini pour autant, au contraire… Car c’est en live que ses chansons moyennes et en déclin depuis The Will to live prennent de la contenance. Bref, il pourrait reprendre les Partenaires Particuliers dans le Grand Stade qu’on irait quand même, les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes. Ben Harper crée l’unité à grande échelle. A l’entendre s’échiner sur sa guitare pour lui en tirer des arpèges et des sonorités magiques, on se dit que jamais un logiciel, ou tout autre programme informatique, ne sera capable de reproduire ça. Car Ben Harper chante Dieu, la justice, l’amour avec ce don rare et précieux de redonner foi en l’homme, si ce n’est pas trop pompeux. Sa spiritualité n’est pas feinte. Mieux, son pouvoir d’empathie dépasse le simple mimétisme. Lorsqu’il reprend Hendrix ou Marley, pas de doute : il est Hendrix et Marley -à la fois. Parfois même, le spectre de Jeff Buckley vient hanter sa voix. Des chers disparus que tout ça, que Ben Harper ressuscite, presque contre son gré, de façon troublante… Et lorsqu’il revisite ses propres titres en les rallongeant et les mystifiant, c’est toute l’assistance qui en tire les bénéfices : elle est heureuse, régénérée, soufflée. Rien à dire, on y retournera en avril (et même tous les mois s’il revenait…).