Mariko Mori serait-elle « à la mode » ? Exposée simultanément dans trois lieux parisiens, son œuvre cumule les attraits séducteurs : esthétique, intrigante et fascinante quant à la complexité de sa réalisation technique, Beginning of the end joue aussi bien sur le sensationnel que sur le grandiose par une mise en scène du spectateur visant à l’immersion totale et à l’oubli de soi en vue d’une ouverture plus grande à l’univers de l’artiste. Puisant à la fois au registre de la science-fiction, des mangas ou de l’imaginaire cybernétique, la jeune Japonaise décline les identités comme autant de formes d’extension du champ de rayonnement de son charisme.
Pour réaliser Beginning of the end, Mariko Mori s’est rendue dans différents pays, sur des sites apparemment choisis pour la charge symbolique de leur architecture : Gizeh (Egypte), Angkor (Cambodge) représenteraient le passé, Times Square (New York) ou Picadilly Circus (Londres) le présent, et Odaiba (Tokyo) ou La Défense le futur. Les photographes exposées à la galerie Emmanuel Perrotin et au Centre national de la photographie sont des prises de vue panoramique de ces sites, avec sur chacune la figure de l’artiste allongée dans une sorte de capsule en Plexiglas. Son corps repose au-dessus du niveau du sol, immobile, impassible et comme en lévitation. Issue de l’imaginaire de la science-fiction, référence au fœtus originel, la capsule est l’expression de la transcendance des frontières temporelles et spatiales. Beginning of the end est fortement inspirée de la pensée bouddhiste, taoïste et shintoïste, elle se veut l’expression d’un désir de renouer avec l’Un originel, l’unité universelle ainsi qu’un appel à l’harmonie spirituelle entre les peuples.
Cette idée de la transcendance est très clairement évoquée dans les vidéos projetées au Centre Georges-Pompidou. Le visiteur se tient au centre d’une pièce circulaire dont les murs sont en fait des écrans translucides sur lesquels sont projetées quatre images à la fois. Mêlé à la foule filmée autour de la capsule lors des prises de vue au Japon ou à Paris, le visiteur est submergé par le poids des images et par la musique qui les accompagne. Le voyage aux côtés de Mariko Mori se termine par un gros plan sur le joli minois de l’artiste allongée devant les pyramides de Gizeh. La caméra s’élève lentement vers le ciel tandis que sur d’autres écrans le corps de l’artiste semble se consumer puis disparaître. Le mouvement ascensionnel de la caméra, le lyrisme de la musique ainsi que la disparition du corps de l’artiste sont autant d’artifices qui pèsent par leur littéralité et leur manque de subtilité. L’œuvre dans son ensemble cautionne ce qu’elle veut transcender sans jamais ne rien remettre en question : en quoi l’architecture de La Défense serait-elle symbolique du futur si ce n’est par l’adéquation de sa modernité aux visions futuristes de la science-fiction ? Naïve mais séduisante par ses qualités esthétiques, l’œuvre n’en sonne pas moins creux.