La lumière est douce, dorée; elle évoque un début d’après-midi, le début de la fin d’un siècle. Les premières salles de l’exposition sont consacrées au phénomène de l’union des arts autour de l’année 1900. Face à une industrialisation croissante et au développement accéléré de l’urbanisation, artistes, architectes et artisans hésitent entre fascination et désarroi. Confrontés à la déstructuration de leur réalité quotidienne, ils s’unissent dans la quête d’une harmonie nouvelle et puisent aux sources du fondamental. La référence à la nature est un moyen de simplifier et d’annuler le rapport de l’ornement à la structure. L’art nouveau, dont la majorité des objets présentés dans l’exposition sont d’ailleurs les tenants, est l’expression de ce désir d’un retour à l’essentiel. Traditions, folklore, mythes alimentent les recherches d’expression d’une identité nouvelle. Il s’agit de puiser dans le passé pour mieux affronter les temps nouveaux.
La lumière décline. Le visiteur arrive à la fin de la première section de l’exposition. C’est alors que, avec l’obscurité, l’angoisse « fin de siècle » s’installe. La mort est omniprésente. Elle se glisse entre les mains de Camille Claudel qui tente désespérément de retenir son amant, elle flotte dans le regard des personnages de Munch, écrase cette femme rongée par la misère… C’est la fin d’un siècle, le début d’une « aube nouvelle ». De l’enfant et des livres illustrés, I’on passe à la femme : bijoux, parures, affiches publicitaires sont autant d’évocations, de représentations de la figure féminine. Le végétal et l’aquatique viennent ensuite, suivant une logique de « régression ». A la fin d’un siècle est associée l’idée de décadence. L’équation est aisée et relève du stéréotype.
Une lueur réapparaît au tournant d’un couloir et c’est le renouveau, l’utopie, l’évocation d’un âge d’or au seuil du XXe siècle. Signac, Matisse, Picasso sont invités à célébrer la modernité; ébloui, dubitatif, le visiteur s’éloigne.
Face à la richesse et à l’extrême diversité des œuvres produites au tournant du siècle dernier, le parti pris du Grand Palais a été celui d’un agencement thématique des pièces au sein d’une structure générale des plus didactiques. Titres et sous-titres s’inscrivent sur fonds rouge, blanc ou noir, exprimant une volonté parfois réductrice de rationaliser et d’ordonner la réalité. De Rodin à Picasso ou le passage d’un traitement détaillé du portrait à l’abandon progressif du souci illusionniste. Tel est ce que semble illustrer la juxtaposition des têtes de bronze disposées le long du mur intitulé « Modernisme et traditions ». L’effort de transmission du savoir exercé tout au long de l’exposition ne justifiait pas de telles solutions de réduction, et l’on regrettera qu’à l’expression de la complexité d’un moment de l’histoire ait été privilégié l’artifice de la mise en scène.