L’histoire de la Pologne se confond presque avec celle des artistes qui ont émergés en son sein. L’exemple fameux du compositeur Anton Rubinstein, devenu sur le tard président de la République, n’est pas anecdotique, et le nom de Frédéric Chopin résonne dans le cœur des polonais autrement que celui d’Hector Berlioz en France. Après la Seconde Guerre mondiale, alors que les pays de l’est succombaient à la pression soviétique, la sauvegarde d’une identité nationale devint un enjeu majeur pour ce pays. Le réalisme socialiste, sorte d’art officiel, nivela dans la plupart des pays du bloc de l’Est le style des compositeurs, et les actes créateurs de Witold Lutoslawski puis de Krzystof Penderecki furent un véritable miracle. Est-ce grâce à sa tradition musicale, portée haut par Szymanowski ? Sans doute, cette génération d’artistes doit beaucoup au festival de musique contemporaine « l’Automne de Varsovie » fondé en 1955, sorte de tête de pont de la musique moderne occidentale.
Né 20 ans après Lutoslawski, Penderecki est le plus radical de ses compatriotes. Son œuvre est fondée sur des accords employant des micro-intervalles, notamment le quart de ton, sur l’ultra chromatisme aux intervalles infinitésimaux obtenus par glissandi, et surtout sur l’utilisation de la continuité et la discontinuité de ce même espace. Effets garantis, particulièrement en concert.
Les deux Concertos pour violoncelle retenus ici, splendidement joués par Torleif Thedéen et Leif Segerstam, musiciens scandinaves, ont été commandés en leur temps par Mstislav Rostropovitch. Le maître donna son avis, inspira certains détails de la partition, et le résultat est de toute beauté. Il n’est pas nécessaire d’être un fou de musique contemporaine pour être emporté. Ces deux concertos sont des concentrés d’émotions humaines, jusqu’au drame, soutenu par les percussions, jouant du silence jusqu’au pathos.
Après la création, le violoncelliste dît à Lutoslawski : « A chaque fois que je le joue, je pleure. -Pourquoi ?- Parce que c’est le moment où je meurs ».