Secondary protocol, premier album solo de Wildchild, était un disque qu’on attendait. Un petit peu parce qu’on aime bien Lootpack, le groupe de Wildchild grandi à l’ombre du Likwit Crew des sous-estimés Alkaholiks (qui, dans l’indifférence générale, ont fait savoir en 2001 qu’il fallait désormais les appeler Tha Liks). Beaucoup parce qu’il s’agit du retour à la production hip-hop « classique » de Madlib, le poly-instrumentiste dément qui fournit depuis quelque temps à Peanut Butter Wolf l’essentiel des nouvelles sorties de son label Stonesthrow. En effet, après son projet Quasimoto, dont The Unseen est l’un des rares disques de ces 15 dernières années à pouvoir tenir la comparaison avec le 3 feet high and rising de De La Soul et Prince Paul, puis s’être multiplié par cinq au sein du Yesterday’s New Quintet, tout en parsemant de sa patte jazzy dub quelques faces de 12 », Madlib revient donc à la production d’un LP 100 % hip-hop, c’est-à-dire sans voix pitchées au-delà du raisonnable, sans musiciens fantômes, mais avec de vrais morceaux de breakbeats, des skits et des potes venus en voisins (les Liks, Medaphoar, Planet Asia…).
Sans doute en attendait-on trop. Car si ce disque est effectivement un bon LP 100 % hip-hop, c’est aussi juste cela : Secondary protocol ne nous fait pas (re)découvrir ces terres inexplorées vers lesquelles Madlib nous avait emmenés sous son déguisement de Quasimoto ; il nous fait simplement hocher la tête. Et ce n’est pas parce qu’une petite moitié des morceaux est en fait produite par son frère Oh No, car les productions du frangin sont loin d’être honteuses (voir les polyrythmies de The Come off, ou les basses spongieuses de Puttin’ in work). Mais rien n’y fait : après une ouverture aux choeurs très Dj Shadow, puis quelques skits amusants (cette conférence de presse où l’on demande à Wildchild s’il a prévu de se suicider pour pouvoir vendre plus de disques), on commence à trouver le temps long. Il faut dire que le flow de Wildchild n’aide pas vraiment à faire décoller l’album. Fidèle à cette école alternative californienne qui, des Freestyle Fellowships aux Hyeroglyphics, réunit tout ce que la Left Coast compte de Mcs rétifs aux canons G incarnés par E40 (au Nord) et Snoop Dogg (au Sud), son phrasé complexe hache ses rimes en cadence de façon un peu trop linéaire pour véritablement emporter la conviction. Ça marche lorsque Madlib l’arrime à des breaks ultra-directifs (comme sur Operation radio raid, qui évoque par moment le bon Dr. Octagon) ou l’oppose, dans un bouillonnement de basses, à Aceyalone, Planet Asia et Spontaneous (sur Bounce). Or le plus souvent, posé sur des breaks plus classiques, c’est juste vaguement ennuyeux. Par moment pourtant affleurent quelques bribes d’inconnu, le plus souvent à la fin des morceaux, comme si tout à coup un autre album, tapi en dessous de celui-ci, profitait des raccords mal ajustés des morceaux pour se faufiler jusqu’à nos oreilles : ainsi les perturbations electro à la fin de Secondary protocol, ou cette diversion soul futuriste de quelques secondes à la fin de Bounce, ou encore l’outro flottante en forme d’acid flash-back de Party up. Il semble d’ailleurs que ce soit de famille, puisque que Oh No termine lui-même Wonder years par quelques beats progressifs.
C’est peu, mais ces quelques minutes étranges nous laissent espérer que, bientôt, Madlib osera nous dévoiler ce grand disque branque qu’il a si soigneusement caché sous ces 15 titres. On sait qu’il travaille actuellement à un LP avec la légende souterraine MF Doom. On espère qu’il y libèrera son génie barré. En tous cas un peu plus qu’à travers les 30 dernières secondes de ses productions.