Après avoir accouché du diptyque Poney suivi du phénoménal hit electro-megalo La Rock, on était en droit d’attendre de l’outsider dijonnais qu’il harnache un cheval de course et galope à en perdre haleine. Vitalic, alias Pascal Arbez, tombe malheureusement parfois dans l’écueil du big beat le plus pompier, à deux coudeés de Daft Punk (Rollin & scratchin, souvent imité, jamais égalé), des Chemical Brothers (ça se gâte), voire de Prodigy (aïe), d’Alter Ego (ouille) ou de Black Strobe (gloups) qui ont tous l’air de se troquer les mêmes basslines et les mêmes arpèges en dents de scie. My friend Dario, No fun, Newman, et les hits susmentionnés, boostés aux hormones de synthése, sont certes diaboliquement entraînants au coeur du dancefloor, mais sans surprise majeure quant à l’écoute tête reposée. Ils réconcilieront sans doute rockers pur souche et ravers de base, réjouirontles clubbers de France et de Navarre, ainsi que les fangio gominés à Ray-Ban, amateurs de trance FM à donf les vitres de leur BM baissées, pour qui Miss Kittin est de la musique de « ouf » et Ivan Smagghe un Dj trop « chanmé ». Pour le coup, on aurait apprécié que monsieur Vitalic nous la joue indien plutôt que cowboy. Car Pascal Arbez est plus finaud qu’il n’en donne l’air et prouve sur cet album qu’il est capable de composer une musique autrement plus habile et substantielle, au demeurant toujours efficace. Malgré des fautes de goût sans doute assumées, la musique de Vitalic dégage un charisme indiscutable.
Le problème d’un tel disque est qu’il se consomme vite, et donc se consume presque à la même vitesse, dans un élan de séduction immédiate laissant après-coup un sentiment mitigé. « This is what you want, this is what you get ». Pas de révélation majeure après une écoute répétée, pas d’effet Kiss Cool derrière la couche electroclash, pas de perversité sous-jacente, juste de la lisibilité pure, une évidence ecstatique presque ennuyeuse à la longue, rien que des grosses ficelles electro encore peu familières pour le grand public, mais passablement galvaudées dans l’underground. Sans compter les références EBM années 80 qui finissent par sentir le vieux claquos cryogénisé, même si elles continuent de titiller le trentenaire post-punk nostalgique.
Bilan : ses titres les moins clubbesques, quasiment des intermèdes entre deux intraveineuses electrowave, se révèlent être les plus gracieux : le boogie Wooo avec son je ne sais quoi pop sixties emmené par un émulateur d’orgue Hammond, le vocodé Past qui nous emmène sur une banquise synthétique fréquentée jadis par les pingouins de Jarre, Repair machines qui revisite les Silver Apples façon italo-disco, Trahison qui se retranche dans une mélancolie electropop, sensiblement plus raffinée et qui nous arracherait presque une larme, pour peu que l’on y associe quelque désillusion d’adolescent gothique. L’album se clôt de façon totalement inattendue par un solo de percussion très Brazilia, à croire que le carnaval ne fait que commencer quand l’album s’achève. Et l’on reste un peu sur sa faim, avec cette impression étrange de flotter dans le vide, comme si la musique avait agi à la manière d’un stupéfiant, nous laissant à la fois ébahis et cafardeux, comme trahis par des promesses trop éphémères. Effet voulu ?
Ne boudons pas notre plaisir, Vitalic est toujours bien au-dessus de la mêlée, essentiellement grâce à son sens très personnel de la mélodie et à ses rondeurs sonores qui font si souvent défaut à la techno européenne. Et au jeu du namedropping, Vitalic s’en donne à coeur joie: dans les remerciements, Giorgio Moroder côtoie, entre autres, Stanley Kubrick, Wim Mertens, Aphex Twin et Albert Dupontel. Ce supplément d’âme et d’humour permet à Vitalic de s’affirmer comme le musicien français le plus aguerri, à défaut d’être le plus audacieux.
En tout cas le mieux placé pour gagner un succès planétaire amplement mérité et conquérir le trône de l’ultime rockstar electro, réunissant à lui tout seul Daft Punk, Mirwais et les Micronauts. Misons sur le prochain album pour l’ouragan escompté. A l’instar de ses collègues Hacker ou Caretta, le bonhomme est parvenu à mitonner un son qui lui est propre (ce qui est rare dans la production electro hexagonale, toujours aussi complexée par rapport à ses voisins teutons et british), mais on est en droit de se demander si ses tendances à l’emphase ne le conduiront pas un jour à concevoir des shows sons et lumières dans des stades en Chine, à reprendre We are the champions et à réaliser les soundtracks des prod Luc Besson. Allez, patience, l’ouverture des JO, c’est en 2012.