A 33 ans, Vicente Amigo est présenté comme « le guitariste flamenco le plus doué de la nouvelle génération ». Reconnu autant dans les milieux flamenco que sur la scène internationale, il collectionne les récompenses avec boulimie : un premier prix au prestigieux Festival de Las Minas en la Union en 1989 et un titre de Meilleur guitariste international de flamenco décerné par les lecteurs du magazine Guitar player en 1993.
Quatrième album depuis ses débuts solo en 1991, Ciudad de las ideas rend hommage à Cordoue, sa ville natale, sanctuaire du flamenco. Vicente Amigo quitte les sentiers étroits de la tradition en s’entourant de musiciens jazz et pop. Cette ouverture d’esprit est louable mais le résultat est inégal. Globalement, Ciudad de las ideas s’écoute avec plaisir : l’album est léger, brillant, il rappelle le flamenco jazz-fusion de John McLaughlin ou d’Al Di Meola, avec qui Vicente joua à Lisbonne, en 1993, au concert des Mestres da Guitarra. Cependant, comme ses illustres aînés, il lui arrive de manquer d’originalité et de passion, au point de sombrer dans un easy-listening insipide (Bolero de Vicente avec ses arrangements orchestraux) ou un jazz-fusion sans éclat (Trez notas para decir te quiero, Tatá).
Heureusement, Ciudad de las ideas renferme aussi des trésors de subtilité. Córdoba est une soleá d’une rare beauté, un titre où flotte le voile intimiste et solennel de l’inspiration flamenca, et le tango Compare Manuel évoque avec authenticité l’allégresse des fêtes gitanes. Le plus beau titre de l’album reste Ojos de la Alhambra, une magnifique buleria enregistrée avec Khaled. Ce morceau renoue avec la grâce arabo-andalouse du mythique Al Andalus qui scella pendant 800 ans le destin de l’Orient et de l’Occident. Le chant envoûtant de Khaled inspire à Amigo de superbes improvisations.
Vicente Amigo ne manque ni de talent ni d’inspiration, Ciudad de las ideas souffre seulement d’une production internationale sans saveur. En concert fin octobre à la Cité de la Musique, Vicente Amigo a su exprimer sa virtuosité flamenca avec plus de passion, soutenu par un groupe espagnol naviguant habilement entre la tradition et des influences musicales contemporaines. Le public a apprécié.
Vincente Amigo (g), Alfredo Paixao (b), Mino Cinelu (dm, perc), Khaled, Pedro Aznar, Dieguito « El Cigala », Montse Cortés, Lin Cortés (voc.)