Adam Butler alias Vert est anglais. Ca ne s’entend pas des masses sur ce deuxième album, sorti sur Sonig. Le label de Frank Dommert et Mouse On Mars multiplie décidément les sorties en ce moment, jusqu’à en devenir presque plus imposant que son aîné A-Musik. Voilà un disque tout ce qu’il y a de plus allemand donc. Après une première expérience amusante autour des travers mélodiques de l’insupportable Keith Jarrett (The Köln concert, qui ne se contentait pas de sampler le disque le plus honteux de la discographie ECM puisque également enregistré live à Cologne histoire de pousser jusqu’au bout la boutade plunderphonique), voici donc ce deuxième opus, libre de tout concept et de tout principe unitaire. Mais hélas pas libre des règles esthétiques de l’écurie dont il fait partie. Dommage effectivement de voir les partisans d’une musique électronique par principe et d’essence libertaire s’enfermer dans des carcans sonores et de composition balisés et aux frontières déjà délimitées par leurs aînés. S’il faut blâmer les artistes trop enclins à séduire leur label ou les labels qui ne sortent que des artistes s’inscrivant dans les lignes esthétiques qu’ils ont contribué à créer, on pourrait le faire ici.
Cependant, et heureusement, les familiarités une fois mises à nu, les parentés évidentes n’amenuisent en rien la qualité de ce disque plus que plaisant, car Butler arrive malgré tout à faire passer sa voix et ses charmants penchants boucaniers entre les mélodies délavées et les glougloutements (a)typiques de Mouse On Mars et surtout de Lithops, projet solo de Jan St Werner. L’album commence avec le morceau le plus faible, un Blindsight qui débute comme un mambo métallique à la mélodie atrocement banale, heureusement vite trashée par une distorsion des plus incongrues. Le calme This precious meanwhile, ensuite, très proche de Scratch Pet Land, amène une jolie boucle de marimba autour de laquelle tournent diverses intempéries acoustiques en forme de tapis sonore à une comptine mélodique très réussie. Dans la même lignée, Codfish dada ressemble comme deux gouttes d’eau à un inédit de Lithops, jusque dans les douces saturations des claviers.
On saute directement à Somewhere between here and last week, sorte de miniature médiévale, où un clavier lo-fi très annelaplantinien rencontre ultrasons et craquements digitaux divers. Le lancinant To Doo is to Be, déjà repéré sur le premier maxi de l’Anglais sur Sonig, est une petite bombe, on le savait déjà. Sa mélodie saturée et hoquetante a tout du tube underground. Drawers of water commence assez mal, comme une énième resucée saturée des travers de copie déjà cités, avant d’évoluer en une très belle ritournelle répétitive, comme si les œuvres pour piano de Philip Glass rencontraient une mauvaise B.O. hongkongaise. Last night from a bus I saw se la joue un peu introspectif et poétique (avec voix enfumée de rigueur) avant de se transformer en un mignon slow où Keith-Jarrett-le-champion-de-la-variet’ est à nouveau samplé en version lo-fi, avant qu’un mélodica impose une adorable chinoiserie.
C’est là, dans ses sensibleries à la limite du ridicule, que Butler arrive finalement à faire ses preuves. Loin de la guimauverie Brian Wilsonnienne qui plombe le nouveau Idiology de Mouse On Mars, Scope/lifetime, qui arrive en fin de course, étale sur plus de dix minutes une mélancolie très touchante et finalement assez atypique. Qu’on se le dise, la voix d’Adam Butler est celle d’un songwriter dépressif qui s’ignore, fleur bleue et amoureux transi des mélodies fines. Si on s’attendait à ça sur Sonig…