Sur le premier volume de Stand up and be counted, il y avait les sprinters noirs US à Mexico, le poing levé en l’air. La pochette du second est encore plus explicite : Jesse Jackson, afro puff et saharienne au vent, même posture, sur la scène de Wattstax, le légendaire concert organisé par le label d’Isaac Hayes pour célébrer l’anniversaire des émeutes du ghetto de Los Angeles. Le concept est donc simple : chroniquer les années de poudre et de cordes (symphoniques) de l’Amérique noire, ces années 1968-1975 qui, pour certains, dont votre serviteur, sont parmi les plus riches de la musique noire du xxe siècle, donc de la musique tout entière.
Certes, sur ce volume, comme sur le premier, il y a quelques facilités de remplissage : c’était alors le classique This revolution will not be televised du hobo funk Gil Scott-Heron, c’est ici le Fight the power des Isley Brothers, tous deux titres impeccables mais qu’on a déjà au moins à deux ou trois exemplaires sur d’autres disques. On passera toutefois l’éponge, au nom de la cohérence d’ensemble du projet.
Le reste va de l’assez prévisible (les Watts Prophets, pendants californiens des new-yorkais Last Poets, avec un Dem Niggers ain’t playing séminal, un frénétique I don’t want nobody to give me nothing (open up the door, I’ll get it myself) de James Brown, l’Alain Madelin du Black Power, qui appela à voter Nixon en 1972 -mais on s’en fout, JB est le Pouvoir Noir-, à l’absolument délirant, comme ce Are you really ready for Black Power de Gary Byrd, sorte de spot radio pour la fierté noire particulièrement syncopé, qui vaut à lui seul l’achat de cet album (qui en reproduit le texte sur sa pochette intérieure). Le reste navigue entre le spoken-word, le latin-jazz et le funk et se termine, symboliquement, sur un instrumental (Free at last, de Rusty Bryant, allusion au discours de 1963 à Washington de Martin Luther King Jr.). Comme pour montrer que, finalement, la libération noire n’avait pas forcément besoin de mots pour être efficace. Mais juste d’un peu de musique.