Voilà le troisième volet compilatoire de self-hommage sorti par Warp pour fêter son dixième anniversaire. Cette bonne grosse double compile regroupe des morceaux des plus éminents représentants du label offerts aux ciseaux et à la colle d’artistes extérieurs non moins éminents. Et clairement, il y a du beau monde.
On commence d’ailleurs par l’un des mixes majeurs, Pram s’attaquant à deux morceaux à la fois, et pas des moindres, Simon from Sydney de LFO et un Untitled de mister Aphex Twin. Leur interprétation est aussi intéressante que personnelle, c’est le but d’ailleurs de ce type d’exercice. Derrière, Luke Vibert dépiautant le Hey hey ! can u relate ? de DJ Mink, c’est déjà, même si diablement efficace, plus convenu. Par contre, Isan se colletant à Seefeel (When face was face) réussit son coup, tout en finesse et sans grands effets. Un morceau attendrissant. Surgeon, sur le Nurture de LFO encore, ne le fait qu’à moitié, péchant sans doute par excès de respect. Rien de bien grave, mais une impression commence à se faire jour. Même Autechre, revisitant Nightmares On Wax, en l’occurrence Sal batardes, ne convainc que partiellement. Heureusement que juste derrière, John McEntire réajuste le tir, toujours sur Nightmares On Wax, pour un relecture totalement « under control » et parfaite de Playtime. Une très jolie réussite. Underdog fait de même, et encore presque mieux avec le Hammer without a master de Broadcast, un très grand remix qui achève de remettre cet hommage sur les bons rails, ceux de l’appropriation et du grand style. Mogwai, quant à eux, font du Mogwai, c’est-à-dire du bon boulot sur la longueur, plus de neuf minutes d’ambient rock sur Arcadian (Link).
Sus à la deuxième moitié du gâteau d’anniversaire, avec une entame pas folichonne, celle de Push Button Objects écornant à peine An eagle in your mind de Boards Of Canada. Et on commence à se dire que vraiment, même si les remixeurs sont pour la plupart de grande qualité et que la matière originelle est de premier choix, le résultat pourrait être encore supérieur à ce qu’il est. La faute à pas grand chose ; il faut principalement incriminer, sans aucun doute, la volonté de trop bien faire alliée à énormément de déférence pour les artistes Warp. Et bizarrement, on a parfois l’impression, comme lorsque Red Snapper réinvente Wilmot de Sabres Of Paradise, que ce sont les poulains Warp qui ont le plus les coudées franches lorsqu’il s’agit de refaçonner les morceaux de leurs congénères. Heureusement, sur la totalité des remixes (26 en tout), il y en quand même un certain nombre pour me contredire, notamment Labradford offrant une belle leçon de zen sur Freeze (de LFO, qui ont vraiment droit à un régime de faveur, quatre de leurs morceaux étant repris en tout).
Et si Oval se contente de triturer les potards pour défigurer Squarepusher (Big loada), si Andy Votel introduit simplement quelques dissonances dans le Booklovers de Broadcast, Richard Devine dynamite astucieusement Aphex Twin (Come to daddy), Jimi Tenor pervertit avec humour Sweet Exorcist (Mad Jack) et Jim O’Rourke brille de mille feux en pratiquant un savant cut up sur Characi (Autechre). Au final, cette compilation peine à passionner, mais se révèle être un bon -et parfois jouissif- kaléidoscope de sons, ce qui était bien le moins que l’on pouvait en attendre concernant un label tel que Warp.