Vers une démocratisation de la création musicale, bis repetae. La Game Boy, célèbre console portable du géant du jeu vidéo Nintendo et accessoirement machine vidéoludique la plus vendue de tous les temps, devient le dernier instrument électronique à la mode. Quand on y pense, ce n’est pas si étonnant : en pleine régression 80’s, il fallait bien que les blips caractéristiques des 8 bits fassent leur réapparition dans la musique électronique. Il y a deux ans, les sonorités antédiluviennes du Commodore 64 et de sa célèbre puce musicale accouchaient d’une hilarante scène de nerds nostalgiques. Une demi-génération plus tard c’est toute la nouvelle école laptop qui se passionne pour les mélodies quatre pistes de la Game Boy. Nobuo Uematsu, compositeur de la musique de Mario Bros, serait même paraît-il en train de devenir culte chez les fans d’electronica !
Oliver Wittchow, étudiant en arts plastiques à l’Université de Hambourg, a d’abord créé le logiciel (pardon, on dit cartouche) Nanoloop pour un travail conceptuel. Avant de se rendre compte que la machine et ses limites imposées (jamais plus de quatre sons en même temps) pouvaient aussi produire des merveilles. La petite cartouche a donc été envoyée à douze artistes, qui ont chacun soumis un morceau. Sans restriction d’usage cependant : certains, comme le duo américain Blectum From Blechdom, n’ont utilisé que la console et la cartouche magique, d’autres n’ont pu s’empêcher d’éditer et retravailler le son avec leurs ordinateurs dernier cri (la majorité).
Le résultat est éclectique et étonnant : la plupart des artistes ont en effet réussi à retrouver leurs tics de composition, malgré l’esthétique très marquée produite par la Game Boy elle-même. Dat Politics fait du pur Dat Politics (même si la musique du quintet possédait forcément des prédispositions particulières pour les sons de jeu vidéo…) ; Pita pousse vraisemblablement les 8 bits de la console dans leurs derniers retranchements technologiques (une manie) ; Scratch Pet Land signent un titre qui a l’air extrait de leur récent album sur Sonig ; Merzbow fait du Game Boy noise (si,si, il y est arrivé) ; Felix Kubin voit ses éternelles escapades sci-fi pop retranscrites pour un jeu vidéo rétrofuturiste (et signe le meilleur morceau du disque) ; Hrvatski (qui avait déjà réalisé un morceau pour Bleep-blip, compilation de bandes-son de jeux vidéos imaginaires sur Lucky Kitchen) produit une sorte de jazz minimal aux rythmiques complexes ; Ostinato réalise un morceau d’electro techno chantée qui rappelle forcément Miss Kittin & The Hacker… Même Vladislav Delay, adepte d’un ambiant dub tout en nappes et reverb, arrive à utiliser la petite console pour illustrer son amour des infrabasses et des grands espaces. Bref, chacun tire son épingle du jeu, avec brio. Les fans d’électronique sabotée y trouveront certainement leur bonheur, malgré le postulat low-tech de départ. Un vrai disque d’électronique expérimentale, en somme. Peut être même le premier depuis bien longtemps.