John Zorn, tout auréolé du succès rencontré par sa précédente sortie –Burt Bacharach– dans cette même série d’hommages à des grands compositeurs juifs, nous convie cette fois-ci à des relectures de morceaux de Serge Gainsbourg. Un exercice a priori pas évident, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, il y a la barrière de la langue : il faut chanter en français. Notons que l’obstacle est brillamment passé par la kyrielle d’artistes impliqués dans le projet. Ensuite, il y a le risque de passer totalement à côté des compositions éminemment personnelles de Gainsbourg, même s’il avait énormément composé pour d’autres. Il était possible, également, de se montrer bêtement béat devant ces monuments, et d’accoucher de copies conformes.
Mais rien de tout cela ici : chacun, composant avec la contrainte linguistique, a proposé sa version de grands classiques gainsbourgiens –Ford Mustang par Mike Patton (Faith No More), Bonnie and Clyde relu par Wayne Horwitz et Robin Holcomb, L’homme à la tête de chou sévèrement corrigé par les Ruins, une admirable variante de la Ballade de Melody Nelson par Fred Frith. Tous ou presque sont à la hauteur de la tâche, avec une mention particulière à Franz Treichler (Young Gods) pour son Requiem pour un con tendu comme un arc, à John Zorn lui-même et un Contact a capella prodigieux, sans oublier Elysian Fields qui s’est approprié Les amours perdues.
C’est peu dire que tout le monde s’est investi dans ces morceaux de bravoure du patrimoine musical français, et que l’écoute du disque vous est prescrite avec prière d’abuser.