Big Dada, la division hip-hop du très respectable Ninja Tune, semble être sur la bonne voie. Les sorties de cette jeune structure quasi indépendante ont été dans l’ensemble assez réussies (The Infesticons, Abstract Rude, Roots Manuva, Alpha Phryme & Luke Vibert…). Ty, qui avait participé -aux côtés des Nextmen- à la compilation WorldLab (Mark b & Blade, Life, Braintax, Numskullz, Dj Primecuts…) déboule cette année dans les bacs avec son premier véritable album, Awkward. On constate que comme bon nombre de bonnes compiles, WorldLab a donné l’occasion à certains artistes de se faire remarquer.
Mais Ty n’a pas attendu WorldLab pour se faire un nom. Les premiers maxis de ce British remontent à 1994, quand il officiait aux côtés de IG Culture et Mc Mell ‘O’ (un vieux de la vieille). Plus récemment, le jeune MC a pris part aux travaux des Unsung Heroes (signés sur 75Ark), groupe phare de la génération rémergeante des british hip-hoppers. A en croire son expérience, ce projet solo est le résultat d’un travail d’acharné d’un garçon qui a longuement étudié à l’école de la rime.
Awkward est assez inégal, mais c’est un opus qu’on qualifiera de décontracté et perfectionné. On compare souvent Ty à Mos Def, ce qui n’est pas totalement dénué de sens, même si l’Américain a beaucoup plus de charisme et de flow. Les puristes auront d’ailleurs sûrement du mal à accepter cette comparaison (que l’on trouve plutôt dans la presse britannique), du fait de l’accent de Mister Ty : un cockney-jamaïcain au grain assez spécial. Mais ce qui touchera tout de suite ceux qui voudront bien s’attarder sur Awkward, c’est la scansion très marquée de Ty. Il injecte ses glissements mélodiques avec une habilité déconcertante, en parsemant les rythmiques de passages rapides de voix de poitrine à voix de tête. Nous sommes en présence de morceaux qui plairont sans nul doute aux amateurs de hip-hop anglais. Ceux qui apprécient les Unsung, Lewis Parker et consorts y trouveront peut-être leur compte. Apportons une mention toute particulière aux parcours harmoniques très réussis du rappeur, qui s’adaptent impeccablement à un sens mélodique africanisé omniprésent. La rugosité de la voix de Ty, la sensualité de son timbre et de son phrasé, tout cela forme un cocktail groove assez réussi (Hercules, The Tale). Ce phrasé évoque les « spoken words », ou le « talking blues » plus exactement… ou ces textes des années 50, scandés par certains poètes beat afro-américains (Le Roi Jones notamment), qui improvisaient en vacillant entre monologue chanté et théâtre lyrique. Suivons Ty avec attention, pour un petit trip tranquille…