Le premier album de Thirstin Howl III est un best of. Pourquoi pas, après tout ? Snoop Doggy Dogg a bien sorti un album posthume de son vivant (Murder was the case)… C’est en tous cas une pirouette bien dans la ligne bouffonne qu’a adoptée V. de Jesus aka Thirstin Howl III depuis le début de sa « carrière »: originaire de Brownsville, Brooklyn, il s’est bâti, aux côtés de ses compères Rack-Lo et Master Fool avec lesquels il forme le Lo-Life Posse, une image d’embrouilleur vaguement débile, fanatique de Polo Sports de Ralph Lauren, toujours prêt à rigoler de ses aventures piteuses d’ado (très) attardé du barrio (frime bidon, fauche dans les magasins, girlfriends enceintes, ce genre de choses). C’est même un presque vétéran auquel Landspeed Records nous introduit avec ce Skilligan’s Island : en effet si l’on peut considérer chez nous ce CD comme le premier de Thirstin Howl, en réalité le bonhomme s’est déjà bâti en moins de cinq ans une discographie plus que conséquente puisqu’on y trouve, sans compter les compilations et collaborations diverses, pas moins de trois LPs solo (!) (Skillosopher, Skillionaire et Serial skiller), qui fournissent l’essentiel du matériel de Skilligan’s Island.
Le nombre de personnes possédant l’intégrale de ces enregistrements devant se compter sur les doigts d’une main, on passera sur cette technique qui consiste à vendre comme un nouvel album un best of qui ne dit pas son nom. Le vrai problème est que, en fait de « best », le disque est tout juste bon, sans plus. Ce qui est d’autant plus désolant que le Lo-Life Posse est l’une des choses les plus originales qui soient arrivées au hip-hop US depuis… les débuts de The Pharcyde ? A un hip-hop US qui crève du sérieux dans lequel les dollars l’ont englué, Thirstin Howl III et sa bande de sympathiques cailleras ont effectivement apporté une réelle bouffée d’air frais : enfin des rappers qui ne se prenent pas à longueur de rimes pour Tony Montana. Et de fait, tout au long de ces dernières années, Thirstin Howl III a ressuscité sur quelques faces de maxis anthologiques l’esprit des potacheries de Biz Markie pour Cold Chilling : de l’hymne ralphlaurenien The Polorican au bancal mais poilant I still live with my mom (qui fut pour nous la carte de visite du bonhomme), en passant par I wanna watch, salace célébration d’une freaky girl, et Watch deez, face B du classique Rock de Dj Spinna, avec Eminem, autant de saynettes figurant le ghetto sur le mode de la sitcom classée X plutôt que du trop habituel polar à gunfights.
Hélas, si ce sens de l’autodérision produit chez Thirstin Howl III des textes réjouissants, il le conduit également à négliger ses productions, quand il ne le fait pas verser dans la facilité de la parodie. Et l’on retrouve ici les limites des premiers LPs autoproduits du bonhomme : ce qui fait bien rire le temps d’un maxi, devient longuet sur la durée d’un LP (ce qui nous ramène 20 ans en arrière, quand le rap n’était encore qu’une musique de single). S’il veut un autre destin que celui d’un Sir Mix-A-Lot tongue-in-cheek (et il le mérite), Thirstin Howl III devra trouver un peu mieux que les beats simplistes de Thirsty greedy ou que les boîtes à rythmes Miami Bass de Walk the walk / Spit the spit pour poser ses rimes. Dj Premier, si tu lis cette chronique, décroche ton téléphone, le numéro de Skillionaire Enterprises est sur le livret du CD.