La réputation des Warlocks les a précédé : des tubes gisant au fond d’un marécage, des contrats signés dans la douleur et un line-up plus qu’instable (plus de 19 musiciens sont déjà passés dans le groupe), deux batteries sur scène, etc. L’album dont nous parlons aujourd’hui, Phoenix, était disponible en France en import, depuis le printemps dernier. On est bien contents de le voir proposé désormais à un plus large public, puisque c’est un très bon disque, relativement bien plus honnête que la plupart des productions estampillées « rock » de la rentrée. Car la musique des Warlocks est de toute évidence sincère, hors considérations de poses et de postures, libres de droits dans la mythologie rock.
De visu, des rock-stars américaines de Los Angeles, overlookés tendance hippie-punks, entre Black Crows et Royal Trux. Mais leur musique a plus à voir avec la grandeur d’âme du Velvet Uderground et la plongée en profondeur des Spacemen 3 et de leurs antiques épigones (on songe autant à Sonic Boom en solo qu’au beau premier album éponyme et psychédélique de l’oublié projet Darkside). Rappelons que les Spacemen 3 ont commencé en plagiant Lou Reed, et que ce sont les drogues psychotropes qui leur ont par la suite donné leur cachet inestimable, cette fusion de longueur de temps et de textures saturées, qui sera commercialisée plus tard par le shoe-gazing.
Bref, le Velvet, les Spacemen 3, le West Coast Pop Art Experimental Band et toute la postérité psychédélique Nuggets, le tout saupoudré d’un peu de Krautrock (plus Amon Duul peut-être que Neu d’ailleurs), voilà les influences notables d’un groupe sous influences bien sûr, mais qui s’en tire avec les honneurs dans le respect de cette tradition lysergique de bon aloi. Quelques hits potentiels (Baby blue, Shake the dope out) et le sens des formules : « I wanna hurricane heart attack/ I wanna hurricane/ Dressed in black. » (Hurricane heart attack) est le genre de sentence pleine de mauvaises vibrations qui ravira les fans des Rolling Stones et de satanisme sous toutes ses formes (le groupe se serait formé le jour de la disparition de Anton LaVey, gourou de l’Eglise de Satan), en même temps que les quelques amateurs résiduels des Butthole Surfers. Mais ça le fait, comme on dit.
Phoenix est un disque un peu flagorneur pour les gens de mauvais goût qui aiment les associations faciles de la culture rock la moins austère (sex’n’drugs’n’r’n’r) et la plus référentielle. Le caractère de prévisibilité d’une telle musique est la cause même du plaisir ressenti, et on se surprendra à écouter ça avec nostalgie, comme on écoute un vieux tube à la radio… Tubes, hurricanes, surfers, ce groupe a un inconscient de plagiste et un vague destin. Ecoutez-le sur la crête avant le roulement sur la grève.