La fabuleuse épopée d’une musique qui a su partager ses angoisses entre l’Europe et l’Amérique du nord, sans renoncer une seule fois à ce qui fonde son essence juive. Musique de mariages dans l’Europe de l’est, qui rapproche dans une bonne partie de son histoire Dieu et les hommes sous l’influence des synagogues et des chants hassidiques, tout en se rappelant au monde par ses capacités d’ouverture par rapport à d’autres univers sonores, du classique au jazz en passant par le blues et les mélopées tziganes. Plus d’un vingtaine d’artistes sont conviés sur ce double album. Entre les Anciens et les Modernes règne une émotion sur laquelle transparaît le bonheur d’un peuple. Car la musique Klezmer symbolise entre autres particularités des moments heureux, bien qu’elle traîne toujours derrière elle le poids de l’Histoire… Le compositeur russe Dmitrij Shostakowitsch la résumait en ces mots: « Elle est riche en facettes, peut sembler gaie et en réalité être profondément tragique. Il y a presque toujours un sourire à travers les larmes ».
L’intérêt du projet Network est qu’il ne se résume pas à définir le genre. Il nous permet aussi de voyager. De l’époque des « Shtetlekh » (nom donné à des quartiers juifs en Europe de l’est) à celle des mélanges difficiles mais possibles, de Berlin à New-York, des formations intimistes aux super big bands, des maîtres aux plus jeunes, des instruments aux voix, l’anthologie n’oublie personne ni aucune note au passage. Naftule Brandwein, Dave Tarras, New Orleans Klezmer, Klezmorin, Ava Gold… Et que sonnent les violons, clarinette et accordéon suivent en mesures. Plus de deux heures de musique, avec un très bon livret qui la resitue dans un contexte historique. En 1802, quelqu’un en Ukraine aurait commenté cette musique à la sortie d’un mariage en disant que chaque son lui « transperçait l’oreille comme une flèche ». Il n’avait pas tort. C’est une musique qui vous embarque par les tripes. Spontanée, énergique ou tendre, elle reste toujours chaleureuse.