Depuis Elvis, toutes les révolutions pop ont reposé sur le mélange détonnant de trois ingrédients indispensables. Par ordre croissant d’importance : de la stupidité, des pulsions antisociales -au choix : du cul, de la drogue, de la violence (plusieurs réponses possibles)-, du neuf. Mesurées à cette aune, les performances subculturelles de la scène électronique contemporaine sont à un étage plutôt bas. L’intellectualisme s’est répandu dans la techno comme les concepts-albums dans le rock des années 70, avec les mêmes conséquences néfastes -c’est-à-dire susciter l’intérêt de gens plutôt chiants pour une musique jusque là plutôt fun, qui n’avait pas vraiment besoin d’eux. Si, certes, tous n’ont pas oublié cette heureuse tradition stoopid qui, des Ramones à 2 Live Crew, a toujours donné à la musique populaire cette urgence qui la rend paradoxalement intemporelle (hier les Chemical Brothers et leurs big beatz, aujourd’hui l’electro-clash et ses rythmes vaselinés), encore faut-il noter que l’electro-clash ne fait le plus souvent que rejouer sur des amplis poussés jusqu’à 11 les synthés du roi Moroder et de Bobby O, là où les Chemical Brothers inventaient au moins quelque chose de neuf (Sigue Sigue Sputnik en avaient rêvé, Tom’n’Ed l’ont fait). Et de fait, depuis la jungle et Basic Channel, on ne peut pas dire que beaucoup de sons vraiment nouveaux soient sortis des laptops.
Ce que ne viendra pas démentir cet album. Sauf que, sur les mêmes bases éprouvées que ses voisins de bac (eh oui, on va encore parler de synthétiseurs, et des années 1980), il s’avère un peu plus proche des canons ci-dessus exposés que, mettons, le dernier Jay-Jay Johanson. On trouve donc ici de la stupidité, du cul, et des basses, le tout collé plus ou moins aléatoirement avec des rubans de scotch, pour former une composition un peu moins linéaire qu’un morceau de The Hacker, et donc un peu plus intéressante. On n’en attendait pas moins de la moitié de Matmos, Drew Daniels, qui se cache derrière ce nom fleurant bon la new wave minimaliste.
Do you party ? montre cependant que, des années 1980, Drew Daniels a moins retenu 1984 que 1999. Ce n’est pas un album pour faire danser des gens habillés en noir, mais pour faire baisser des culottes de dentelle pourpre. A l’aide d’une messagerie vocale et de la voix de son pote Bevin Blectum, Drew Daniels ne peut d’ailleurs être plus explicite sur le sens de son projet que lorsqu’il reprend ludiquement le Make up de Vanity 6 (dont le LP éponyme est décidément en passe de devenir le disque le plus influent de ces derniers mois). Mais on était déjà fixé sur les intentions du bonhomme, puisque, dès le deuxième titre (l’excellemment titré Gender studies), il nous avait exposé son machisme digital bon enfant, nourri de samples coupés au cutter (parmi lesquels le débile et toujours réjouissant Girls de The Egyptian Lover) et collés sur une basse bondissante. Big bootie bitches viendra en fin d’album parachever cette thématique lubrico-electro, sur des rythmes ghetto-tech à la Dj Assault.
On se tromperait, cependant, si on ne voyait dans ce disque délibérément ludique qu’un exercice de style de nerd obsédé : car on retrouve ici, en version cartoon, toute la science du cut-up qu’on apprécie chez Matmos et chez Matthew Herbert, dont le label a offert asile à Drew Daniels pour ce side-project. Sur des syncopes phunk particulièrement efficaces, les couches et les sons s’éparpillent et se superposent dans un kaléidoscopique collage sonore (voir tout particulièrement la séquence des crédits sur le dernier track) qui n’oublie jamais d’être dansant. On avait presque oublié que la musique électronique pouvait aussi servir à ça.
Cet été, Super_Collider nous a fait ressortir nos vieux Sly & The Family Stone. Maintenant, c’est Prince & The Revolution que ressuscite The Soft Pink Truth. On a vu pire, comme revival.