Attention, chefs-d’oeuvres. On en parle un peu après la bataille (quoiqu’on l’ait fait un peu avant tout le monde dans le magazine papier), mais ces disques sont toujours en vente et méritent à jamais qu’on les défende. Car Chutes too narrow des divins The Shins et Our endless numbered days des fameux Iron And Wine restaurent définitivement le blason un peu rouillé de la vieille Sub Pop, maison de disque de Seattle de bonne mémoire, et sont deux classiques instantanés de classic rock indé américain.
The Shins est un peu à la pop ce que Wes Anderson est au cinéma. Comme le génial réalisateur des Tenenbaum, le groupe d’Albuquerque jouit d’un véritable sixième sens : celui du détail, qui fait de chaque chanson un univers d’une complexité et d’une profondeur (de champ) proprement inouïes. Après un premier album home-studio ambitieux (Oh, inverted world, choeurs à tous les étages sur narrations elliptiques, sous influence Zombies Beach Boys), ce second opus un peu mieux produit par Phil Elk (Modest Mouse), de facture simple (guitarre-basse-batterie-claviers) mais de rendu ahurissant, compose entre pop de chambre Left Banke, sophistication Bacharach-ienne, et rock stylisé Jim O’Rourke. Le plus impressionnant étant James Mercer, leader et songwriter génial, qui gonfle ses chansons de lyrics épiques à n’en plus finir. L’impression d’écouter un véritable conteur se marie au plaisir de se laisser porter par des harmonies subtiles et de ressentir une énergie unique et entraînante. Chutes too narrow, un Rushmore de la pop.
L’autre sommet indie-rock de l’année est aussi sorti ce printemps sur Sub-Pop. Our endless numbered days du Iron And Wine de Sam Beam donne dans le chant intime, la guitare de proximité, la percussion de bon voisinage : tout en délicatesse. Les escarpes du premier album ont fait place à la chaleur boisée et apaisante de la guitare acoustique et des voix doublées (avec la très douce Sarah, soeur du songwriter…). Mélopées sereines, cordes graves et rythmiques, pianos sporadiques, le tout enrobé par un son caractéristique, aéré (de l’air dans le grain de la voix) et chaleureux (le tout-bois), font de cette collection de lentes ritournelles country-folk un collier de perles délicatement contemplatives, doucement mystiques. Sam Beam est surtout le songwriter de mélodies parfaites, que contient ce disque parfait.
Après ces deux preuves de délicatesse, qui méritent notre reconnaissance éternelle, Sub Pop entame l’été en douleur avec les très électriques The Thermals ou Catheters. De retour aux roots du label d’où est sorti le grunge. On croyait rêver…