Depuis les débuts du Wu-Tang Clan (Enter the 36 Chambers), RZA parsème la planète hip-hop de productions de premier choix. En témoignent les premiers albums de GZA, Ghost Face Killah, Raekwon, Gravediggaz, et Ol’ Dirty Bastard. Outre deux disques de platine obtenus par le WTC, Razor Sharp est également à l’origine de différents projets réussis et originaux (la superbe BOF du Ghost dog de Jim Jarmush, plusieurs collaborations avec Tricky, des remixes atypiques de Björk…). Qui plus est, 80 % des sorties issues du Wu proviennent de ses studios, de son cerveau, de ses machines… Rappeur, producteur, DJ, graffeur, acteur, musicien, l’homme a du savoir-faire et ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin.
Tout semble donc parfait dans l’univers des hommes du grand W. Personne ne contestera qu’ils officient nettement comme « Le » crew qui a réussi à s’imposer avec brio dans le rude milieu du hip-hop, tout en gagnant les faveurs des critiques. Tout cela sans se compromettre et en faisant exploser les planches à dollars. Seulement, l’empire du Prince Rakeem commence vraiment à s’essouffler… Et si la grande majorité des aficionados du hip-hop apprécie le dernier album du Wu-Tang -dont les ventes sont plutôt décevantes-, les puristes perçoivent çà et là les rayures de l’alliage du Razor. En effet, depuis peu, le business made in Wu a tendance à s’étaler grassement : politique d’expansion économique du groupe Wu-Wear (entreprise street wear), sorties d’albums décevants (le dernier Raekwon, le dernier INS) et de compilations superflues (« RZA hits », « Killah Bees »), jeu Playstation… Business is business. Le confort engourdit-il la créativité de la vache à lait marquée au fer Zévais ? (Milk the Cow, dixit Capadonna, dernier membre entré dans la sphère). Le bovidé laitier du WTC finira-t-il par exploser à force de brouter du billet vert ? Comme la grande majorité des vaches, elle grossit, et finira bien par mourir un jour.
Et ce n’est pas la dernière sortie du label Wu International qui pourra relever le niveau. De fait, Wu Tang mix laisse gravement à désirer. Pour cette livraison, RZA passe les commandes à Big Cap, fidèle comparse de Funk Master Flex, chargé d’enchaîner plusieurs titres phares du WTC, quelques freestyles et autres inédits de divers affiliés. Le problème de ce disque est très simple et se résume en deux mots : Big Cap. On se serait largement passé de ce dernier, qui scande ses cris ineptes à la manière d’un Doowap enroué ou d’un Silver Surfer bourré, en parasitant allègrement des morceaux très bons à l’origine. Que dire de l’excellent Freeze des MMO, du génial Authentic des Ruthless Bastards, du Word on the street de INS ? Autant de bons titres massacrés ici par le mix ignoble de Cap. Ajouter à cela des enchaînements brutaux et navrants (le superbe titre de Ghost Face, Cobra Clutch, est coupé à l’arrache-clou; Mighty healthy de GFK, raccourci de moitié…), et vous obtenez une mixtape stressante et inutile. Certes, les morceaux choisis sont souvent bons (même s’il n’y a pas beaucoup d’inédits), mais le son pèche sérieusement par le manque de rigueur du mix et de la production. RZA a-t-il vraiment donné son aval à ce travail bâclé et douteux ? En tout cas on souhaite vivement qu’il remette un peu d’ordre dans les rangs du bataillon de la Wu-family. « Cash Rules Everything Around Me, C.R.E.A.M., get the money, dollar dollar bill… »