Après leurs trois derniers albums unanimement célébrés par la critique et le public, le groupe le plus réjouissant de l’Oklahoma, après feu Dwight Twilley Band, fait aujourd’hui l’objet de fouilles archéologiques, mettant en avant son passé sonique. Ce triple et ce double CD reviennent en effet sur la petite décennie qui s’est écoulée entre les débuts en pétard des Lips en 1983 et leur miraculeuse signature sur une multinationale du disque en 1991.
Finally the punk rockers are taking acid rassemble ainsi la quasi-totalité des enregistrements d’un groupe qui se cherchait au cours de ces années 80, ne sachant pas où donner de la tête entre les Soft Boys, les Swell Maps et les Replacements. Telles sont peu ou prou les pierres angulaires du son Flaming Lips première période, celles de commencements orageux à Oklahoma City. Les deux frères Coyne, le guitariste Wayne et le chanteur Mark ont, selon la légende, dérobé les instruments d’une église locale pour assouvir leurs passions du punk, des drogues et de la new wave. Après deux albums somme toute assez quelconques, Flaming Lips et Hear it is, Mark préfère se marier plutôt que de devoir affronter une carrière vouée au rock’n’roll. Ce n’est que sur Oh my gawd !!! que les Flaming Lips commencent véritablement leur envol. Les épiques ballades Jesus shootin’ heroin et Godzilla flick en disent long sur les addictions à la junk culture de la jeunesse de l’Oklahoma, mélange de comics, de religion, de télévision et d’ambiances à la Larry Clarke circa « Tulsa ». Wayne Coyne hésite toujours vocalement entre Nikki Sudden, Paul Westerberg et Robyn Hitchcock sur Telepathic surgery. Les mélodies et les expérimentations en studio commencent toutefois à prendre forme, laissant augurer des splendeurs à venir, même si les Lips flirtent ici ouvertement avec le rock progressif, psychédélique et métal. Ces enregistrements sont avant tout destinés aux curieux des creuses années 80 et aux fans compulsifs du groupe.
Ce n’est qu’avec In a priest driven ambulance, paru en 1990, après l’arrivée du guitariste Jonathan Donahue, futur Mercury Rev, que les Lips atteignent une altitude impressionnante. Sorte d’album concept, produit par Dave Fridmann, qui se fait ici la main en beauté, le cinquième opus du groupe établit énergiquement et majestueusement la quête métaphysique poursuivie par Coyne et ses acolytes. Une nouvelle fois, ce sont les morceaux plus calmes qui sont ici les plus impressionnants, traduisant une écriture certes pugnace mais en passe de voir enfin la lumière. There you are et une surprenante reprise de (What a) wonderful worldpopularisé en son temps par Louis Armstrong, font partie des sommets de ce disque. Les paroles sont parfois aussi déjantées que leur interprétation, comme en atteste le lyrisme dépenaillé de Unconsciously screamin’, mais l’esprit du groupe est là, pur et vif, laissant sur place la concurrence indie rock qui commence déjà à jouer des coudes en ce début des 90’s. Les notes de pochette détaillées et les vingt-trois (!) morceaux bonus, dont les fameuses Mushroom tapes, couvrant cette période charnière, de 1989 à 1991, font de ce disque un achat de premier ordre, qui donnera forcément envie de revenir en arrière sur la genèse des Flaming Lips, format trois CDs. Ces deux rééditions s’avèrent donc aussi exhaustives qu’essentielles, laissant entrevoir le génial futur des Lips.