Ceux qui étaient restés à la porte de l’assez difficile – mais néanmoins globalement réussi – Reformation post TLC vont pouvoir remballer leurs doutes tant cet Imperial wax solvent renoue avec la veine la plus catchy (comprendre « les années Brix ») de The Fall. Tout est là, le titre abscons, la pochette ultra-laide et, c’est finalement ce qu’il faut en retenir, 12 titres qui renvoient la concurrence à ses chères études. L’album s’ouvre en chaloupant sur un Alton towers jazzé à la sauce Beefheart (n’était-ce ces petits motifs electro qui montrent qu’on est au XXIe siècle), avant de ne plus lever le pied de l’accélérateur tout le reste du disque. Si Wolf kidult man moque le phénomène des adulescents, dans la veine « commentateur social » qu’aime à emprunter depuis toujours Mark E. Smith, l’album se bouscule lui-même via des tentatives assez osées comme ce morceau auto-célébrateur, 50 year old man, qui sur près de 12 minutes et plusieurs mouvements, montre qu’on peut conjuguer primitivisme garage-rock et discours sophistiqué sur soi-même. « I’m a 50 year old man and I like it », assène le Marquis sans qu’aucun doute soit permis. Est-ce qu’Imperial wax solvent pousserait le bouchon jusqu’à contenir un hit ? L’hypothèse est posée devant l’évidence pop de I’ve been duped dont Smith a confié le chant à sa craquante épouse germano-grecque, Elena Poulou : choeurs de hooligans sur le refrain et scansions d’hydre tentatrice sur les couplets pour un titre franc comme on en entend peu. Pas en reste, Smith n’est pas loin d’obtenir la même formule idéale sur Can can summer où sa voix prise dans les larsens et portée par cette formule unique de kraut-rockabilly s’arrête à peine le temps d’une syncope pour placer des choses comme « My boss he has the imagination of a gnat » (« Mon patron, il a l’imagination d’un moucheron »). C’est Mark E. Smith le patron mais on sent qu’il ferait un employé plutôt retors…
Signe d’une cure de jouvence effective, la musique de The Fall qui s’était recentrée sur un son assez strictement rock ces derniers temps, s’ouvre à nouveau aux sons electro, avec notamment Taurig, mené par les machines d’Elena et dont ne dépasse qu’un peu des borborygmes du maître de maison, entre deux filtres synthétiques. Si la majorité des titres a été composé par le groupe actuel, on retrouve un morceau co-signé avec l’allemand Andi Toma, sans doute échappé des sessions du side-project Mark E.Smith/Mouse on Mars portant ce nom curieux de Von Sudenfed : Is this new n’a pourtant rien de commun avec Rhinohead ou Fledermaus can’t get it et se situe dans la droite lignée du The Fall immortel et intemporel qui doit plus à la nervosité d’un Gene Vincent qu’à la sophistication d’un quelconque Pape électronique, qu’il soit ambiant, techno ou expérimental. Marqué par le sceau triomphant de la cinquantaine assumée, Imperial wax solvent finit son parcours fifties sur l’impeccable Senior Twilight stock replacer dont les guitares sonnent presque comme du violon électrisé pendant que tout le groupe entonne son mantra sur ce crépuscule pétaradant, que Mark E. Smith conclue par : « Senior twilight stock replacer / Reclaim in the Lord ! ».
Peu avant ce nouvel album, Mark E.Smith a enfin accepté de se prêter au jeu de l’auto-biographie avec le sens de l’absurde iconoclaste qu’on lui connaît et on conseillera donc la lecture de Renegade, the gospel according to Mark E.Smith à tout amateur de sociologie beat à l’humour dadaïste. Si on sait qu’un autre album de Von Sudenfed est dores et déjà attendu, il sera précédé d’un album du duo Mark E Smith / Ed Blaney dont un premier extrait, le single Transfusion (une reprise de l’obscur Nervus Norvous), est déjà disponible. Depuis que James Brown s’est rangé dans une boite en sapin accompagné de ses talonnettes pailletées, Mark E.Smith est sans aucun doute celui qui a hérité de fait le titre de « hardest working man in showbusiness » !