Le bruit et la danse. Tout est là. L’essence même de la musique noire (la danse), et le bruit qu’en ont fait les (petits) blancs lorsqu’ils se sont aperçus qu’ils n’y arriveraient pas (à faire de la musique de danse). Ou pas de la même manière. Mick Collins a pigé tout cela depuis longtemps, d’ailleurs, il est noir.
Pas un hasard si les Dirtbombs viennent de Detroit et si ce disque en forme de combat rock définitif arrive à rendre hommage au meilleur de la soul de Motown (et autres) sous couvert de saillies garage-punk. Tout est là. Des moulures d’un groove céleste aux coulures fuzz émanant de guitares tranchantes. En ayant l’air de saccager un répertoire qui a fait sa prime éducation musicale, Mick Collins en donne pourtant une version on ne peut plus fidèle : la soul-music, musique de sexe, musique de luttes.
Parce qu’à cette grande cuisine élégante, à la moiteur vindicative des classiques qu’ils ravivent au napalm, les Dirtbombs savent aussi ajouter une dose d’épice qui nous change des brouets fades qu’on a l’habitude d’entendre cette saison. Prenons Kung-fu de Curtis Mayfield, classique suave et raffiné, machine molle à faire danser horizontalement, truffée de délicatesse guitaristiques, achevée par des cordes élégiaques après un break des plus persuasifs, étirée sur plus de six minutes à l’origine : la version présentée ici commence par reprendre le rythme gothico-dub du Bela Lugosi’s dead de Bauhaus! Les puristes et les fans de Prince convoqueraient là à la va-vite une inquisition sommaire, mais les gens qui savent dansent déjà en pensant aux Clash. Les Dirtbombs arrivent à transformer ce classique en un arrangeant cloaque qui ressemble fort à ce qu’aurait donné le MC5 remixé par King Tubby.
De plus, il y a Mick Collins, soul-singer né, grand prêtre de la débauche, dont le chant rappelle la voix de dieu bien au-delà des martyrs guitaristiques et rythmiques que son groupe de brigands inflige, dans une allégresse communicative, à des perles comme Livin’ for the city de Stevie Wonder, Got to give it up de Marvin Gaye, Ode to a black man de Phil Lynott (Thin Lizzy) ou même I’m qualified to satisfy you de l’hippopotame chantant Barry White. Ce disque est une communion parfaite entre le sang de la soul et le corps du punk-rock garage. La Motor City brûle toujours et The Dirtbombs dansent en jouissant dans ses flammes. Ca donne méchamment envie de danser et de s’accoupler. C’est donc bien de rock’n’roll dont il est question ici.