Tout ça c’est de la faute de Jean Vic Chapus. Ce talentueux journaliste (Rock’n’Folk, le fanzine Planet of Sound) est aussi une incorrigible fashion victim. Ce qui lui permet de parfois devancer les tendances (Planet of Sound a ainsi été la première publication en France à faire sa couv’ sur les Strokes et à parler d’Interpol), mais trop souvent aussi de s’extasier pour des groupes à la manière de la presse anglaise, sur la foi d’un single percutant, ou d’un concert relevé. Et lorsqu’on a bien harcelé la maison de disque pour recevoir le disque chaudement recommandé par l’éternel enthousiaste Jean Vic, on est souvent déçu. Parce que de vrais bons groupes de rock aujourd’hui, ça ne court pas tant les rues que ça. Dernières expériences malheureuses en date : The Vines, et aujourd’hui, The Coral.
L’accroche était pourtant alléchante : un groupe de pop anglais, moyenne d’âge 20 ans, qui ferait du garage Nuggets, de la psyché-pop, du bon revivalisme mod, agrémenté d’une production contemporaine et de chansons bétons. Et le NME n’était pas en reste pour communiquer en amont sur ce futur du rock’n’roll, qui se serait appelé The Coral. Malheureusement, et peut-être est-ce à cause de l’attente suscitée, ce premier album n’est pas la pépite espérée. Si les influences sixties sont claires et nettes (The Seeds, Chocolate Watch Band, The Doors, Love) et les lyrics parfois amusants (des références à Walt Disney ou Spiderman, plutôt inattendues), les compositions ne suivent pas vraiment, les mélodies son sitôt écoutées sitôt oubliées, et certains tics de production s’avèrent vite agaçants. Les gimmicks sixties, très stéréotypés, font parfois ressembler The Coral à un banal groupe de reprises, juste un peu plus expérimenté techniquement. Le chant à la Rocky Erickson semble comme mal calqué sur l’original. Les incursions de cuivres et certaines parties rythmiques donnent une couleur carrément reggae-dub à plusieurs passages, provoquant un mélange audacieux mais au bout du compte peu heureux. Dans Shadows fall, ce qui devrait être un clin d’oeil à la musique russe fait finalement sonner le morceau comme du Manu Chao peu inspiré, avec un break jazz en plein milieu, créant une certaine confusion dans l’esprit de l’auditeur. Cette profusion de références pourrait être sympathique mais elle dessert au final la pertinence du groupe.
Cependant, tout n’est pas à dénigrer dans ce disque, qui semble au moins fait avec sincérité et s’aventure sur des contrées musicales relativement peu explorées ces jours-ci. Par ailleurs, les structures des morceaux sont assez diversifiées pour relancer régulièrement la curiosité et l’écoute. Les pionniers d’une nouvelle vague nostalgique 60’s ? On préférera toujours un groupe anglais s’essayant à la pop psychédélique qu’une bête énième récusée brit-pop.