Comme l’indique le panneau de la photo, tout est parti de là… La route, la fameuse Westway de Londres qui passait sous les fenêtres de Mick Jones lorsqu’il partageait encore le modeste appartement de sa grand-mère. From here to eternity, titre impeccable, car c’est bien sur scène que The Clash a écrit sa légende, embrasant la nuit, lacérant la frustration et la rage. Caroline Coon : « Après les concerts, ils s’écroulaient sur le sol des loges, épuisés, incapables de sortir un mot. Il y avait du cœur et de l’âme, de la chair et du sang. Un engagement total. »
Joe Strummer, Mick Jones, Paul Simonon et Topper Headon vivaient leur musique comme d’autres construisent des barricades : avec panache, jusqu’à l’épuisement et en redoutant l’aube qui casse le rêve. Ils furent les premiers musiciens blancs peints sur les murs du mythique Black Ark Studio de Lee Perry en Jamaïque. En 81, à New York, ils déclenchèrent une émeute sur Times Square…
Aujourd’hui, grâce à une production lumineuse et au mixage 24 carats de Bill Price, « La horde sauvage » est de retour en ville. La frappe titanesque de Topper (ou Terry Chimes sur certains titres), le son magique des guitares, la basse féline de Paul Simonon et la voix farouche de Mr Strummer ne font pas de prisonniers. Personne ne se relèvera après l’enchaînement (White man) in Hammersmith Palais / Capital Radio / City of the dead / I fought the law. Mikey Dread allume Armagideon time. On devine le sourire narquois de Mick Jones pendant Train in vain avant que Paul Simonon attaque Guns of Brixton, dangereux comme un puma. The Magnificent seven oublie les dancefloors pour devenir incantatoire… Joe Strummer au bord du KO dérape dans les étoiles sur l’un de ses plus beaux textes, Straight to hell… A ce moment précis, l’émotion est palpable dans les silences du public.
Pour autant, Miss Nostalgie peut rester au lit puisque l’aventure a continué avec les fourmillements soniques jouissifs de Big Audio Dynamite, et Joe Strummer reprend la route avec ses Mescaleros… (nouvel album imminent). Question : est-ce qu’un enregistrement des Clash a sa place en 99 ? Réponse : plus que jamais, car c’est une prise directe sur ce que le rock a de meilleur à offrir. L’histoire de quatre desperados romantiques et flambeurs, loyaux et fiers jusqu’au bout. Grâce à eux, pendant un temps, la rue a retrouvé des couleurs et un délicieux sentiment d’orgueil. « Roots ! Rock ! Rebel ! »