Après avoir célébré les noces de la techno et du hip-hop, inventé le big-beat, changé la donne pop et revisité l’electro, les Chemical Brothers livrent leur cinquième opus, Come with us, incitation plus qu’invitation à les suivre dans le dernier « trip » contemporain, celui des nouvelles technologies et de leur caractère magique, mystique, chamanique. Come with us est un véritable voyage psychédélique et technologique -et conceptualisé comme tel.
Après la bienvenue de l’équipage, martialement menée et vocodée (Come with us), le voyage commence en Afrique : It began in Afrika-ka-ka-ka. Les sons délayés à l’extrême, jusqu’ à devenir pure répétition, renvoient à l’inconscient collectif musical africain, cet archétype rythmique éternel que le duo entend bien faire remonter à la surface, à grands coups de montées acides. Au milieu du beat, les Djs de choc enchaînent en direct avec Galaxy bounce, très funky-machine, où la voix samplée sert de gimmick rythmique au même titre que la basse ronflante. Les breaks slappés sont les creux respiratoires qui relancent la mécanique avec efficacité. Le reste est une longue digression. Qui continue en train, avec Star guitar, frénétique apologie de la répétition du paysage, éternel retour de la même fumée d’usine, comme en atteste efficacement le clip orchestré par Michel Gondry.
Hoops aurait pu s’appeler « Loops ». Après le TGV, la pause dans un pub madrilène semblait nécessaire, pour un exercice d’espagnolades guitaristiques sur fond de beats tempérés. Ce qui n’empêche pas la ritournelle d’opérer. My elastic eye serait le pendant chimique psyché-breaké du Svastika eye de Primal Scream. S’ensuit d’ailleurs un slow bizarre, chanté par Beth Orton, qui ressemble furieusement au Higher than the sun des sus-nommés. Les sons synthétiques évoquent la stridence du chant des mouettes, on se croirait au bord de la plage, avec le spectre des couleurs inversé. Ca se finit par le début de Denmark, titre house puissant plus Ibiza que Copenhague, construit autour d’une basse métronomique et filtrée. Les inserts de guitare électrique semblent avoir été chipés à Carlos Santana, ceux de trompette à Miles Davis, et la structure du morceau est incompréhensible, mais coule de source. L’intro de Pioneer skies ressemble à celle de Strawberry fields en version 2002 (c’est-à-dire électronique), avec la sonnerie annonçant le départ du train en guise de repère géographique. Ceci, avant la grande montée mystique vers les cieux Pioneer (du nom de la marque bien connue de matériel hi-fi).Pour finir : The Test (acid test ?), un gros rock efficace, chanté par Richard Ashcroft, rythmé par une basse poutrasse, gonflé de synthé. Au final, on ne sait plus trop où le voyage nous a menés, mais ça valait le déplacement.
Dans le domaine de la musique, le rythme a toujours renvoyé au mouvement. Suscitant la marche ou la course, il est devenu le moteur de la danse, curieuse course sur place. Mais surtout, il a toujours été celui de la transe, voyage spirituel. Avec Come with us, les idées de transe et de mouvement physique se retrouvent réunies. Avec pour point commun, la vitesse. Les dernières pubs SNCF pour le TGV ne disent pas autre chose. Le matérialisme contemporain devrait bientôt nous permettre de gravir l’échelle de Jacob à l’aide d’une simple fusée. Vive le futur.