The Beta Band, soit John McLean, Steve Mason, Robin Jones et Richard Greentree. Ces quatre britanniques se sont fait très vite remarquer à partir de 95 avec trois EPs bizarroïdes, regroupés en 97 sur le Three Eps album. Cet opus à la sauce beatnik comprend notamment le mirifique It’s over, qui résonne comme une troublante lamentation ballottée par une contrebasse aguichante. On se rappelle également des titres Dr. Baker, Dry the rain, I know et l’étonnant Dog’s got a bone, que les amateurs de Beck première période savourent avec délectation. Vient ensuite The Beta Band, album éponyme sorti en 99, dont les planants It’s not too beautiful et The Hard one évoquent euphorie et narcolepsie. Leurs somptueux concerts, qui s’apparentent souvent à des performances (comme celui donné à la Rote Fabrik à Zürich), ont également contribué à leur réputation de « groupe à part ».
Amateurs d’un éclectisme musical qui rappellent souvent les premiers travaux de Pink Floyd, les Beta Band ont une approche gargantuesque et boulimique de la musique. Ils l’avalent sans compter, pour mieux la régurgiter. Sauvagement et savamment. Cultivant le second degré à la manière des Super Furry Animals, ils peuvent autant doter leur son de mélodies faussement enfantines façon Talk Talk que se réfugier dans les limbes des chants grégoriens. Steve Mason et sa clique emmêlent habilement diverses instrumentations vieillies et excitées estampillées années 70. Ils y joignent fréquemment une froideur délibérée, puisée dans certains synchronismes des musiques électroniques d’aujourd’hui. Et réussissent par là même à générer un son original, qui leur permet d’avancer -à pas de loup, certes- dans la bergerie bien fournie du rock indé.
Dès l’ouverture, Hot shots II propose Squares, un hommage dérangé au classique de Wallace Collection : Daydream, guidé par une ligne de basse à la Sour times de Portishead. Sur Al sharp, les quatre british fusent habilement leurs rythmiques electro lourdes et changeantes, qu’ils parsèment de moogs somptueux et d’un petit piano caressant. De Beck (le très confus Alleged) aux Beatles (le dernier titre en trois partie Eclipse), le quatuor anglais innove avec du « vieux », et pourvoit ses titres d’effets de delay, reverb et autres superpositions habiles. Quant à Steve Mason, le lead singer du groupe (auteur du projet parallèle King Biscuit Time, sorti il y a quelques mois), il n’a plus qu’a tremper sa voix nonchalante dans une harmonisation tantôt hip-popesque et décalée, tantôt pop, prog ou psychée (voire psychogène).
Ce nouvel opus, dont certaines harmonies vocales évoquent parfois le meilleur des Byrds ou des Happy Mondays, pulse de mélodies répétitives très accrocheuses. Les Beta Band y essaiment admirablement un rock hallucinogène, forgé à coups de gimmicks sournois et de sonorités innovatrices. Le son gluant des Beta Band a gagné en profondeur, à la grande joie d’un auditoire enfumé et mélancolique, forcément de plus en plus nombreux.