Dans la foultitude de disques qui sortent chaque semaine sur petits comme gros labels, on est bien en peine de tout entendre et de tout remarquer. Ainsi, l’album de The Bees est passé à la trappe de cette rentrée 2002, suscitant quelques entrefilets publi-rédactionnels de ci de là, mais rien pour éclairer vraiment notre lanterne sur ce premier album d’un groupe pas si jeune. Non que Sunshine hit me soit un album majeur ou révolutionnaire, mais simplement un album honnête, bien foutu, pas désagréable. Un album authentique fait par de gentilles personnes (comme dit Arnaud Viviant à propos des « écrivains », qui ne sont pas de « grands écrivains », mais qui sont de « gentilles personnes », ce qui est peut-être préférable par les temps qui courent). Et des gentilles personnes qui font sur leur album une reprise des Os Mutantes, le plus fabuleux groupe brésilien des années 60 (qui maria pour la première et seule fois de l’histoire du rock, la pop psychédélique et le tropicalisme), ne peuvent pas être complètement inintéressantes.
Et de fait, Sunshine hit me est un album plutôt intéressant. Paul Butler et Aaron Fletcher, alias The Bees, sont amis depuis près de 10 ans, résidents de la tranquille île de Wight en pleine Manche, et musiciens chevronnés au sein de tout ce que l’ïle a pu compter de formations underground pop, jazz ou funk (P Nu Riff, Delta T, The Wight Panther, The Exploding Thumbs de Max Brennan). Dès lors, pour un premier album, Sunshine hit me a la patine des enregistrement de vieux professionnels, et multiplie les genres musicaux avec dextérité, comme un best of des multiples expériences du duo.
Comme en atteste son titre, l’album se place sous le signe de l’astre solaire, du rythme nonchalant, du son chaud des cuivres et des bois, des vieux orgues rauques, des amplis à lampes, et s’apparente à un agréable voyage imaginaire à travers les musiques du soleil. Comme si les sonorités de l’hémisphère sud avaient permis à ces deux là d’échapper à la froide bruine de leur île natale. Définitivement roots, les deux petits blancs font de la musique noire avec un sens du groove et de la mélodie que F.F.F. n’aura jamais, tentant ici un morceau à la Curtis Mayfield (Angryman), reprenant très fidèlement les Os Mutantes là (A minha menina), produisant un reggae triste et lent sur This town, mélangeant une harmonie gospel à des rythmes de carnaval brésilien sur Binnal bay. Le tout est enrobé d’un nappage pop délicat : harmonies vocales à la Beach Boys, guitares électriques discrètes, batteries poppies, tendance générale à la mélancolie.
Malheureusement, le disque n’échappe pas à un certain esthétisme occidental de la musique qui groove, par la propreté de sa production. Ce qui devrait faire le bonheur des plages creuses de radio Nova, mais rebuter les aficionados des vraies musiques roots. Par ailleurs, les mélodies ne sont pas toujours à la hauteur des arrangements. Pas un tube à se mettre sous la dent, si ce n’est, encore une fois, cette reprise des Os Mutantes. Ce qui vérifie le vieil adage selon lequel les meilleurs musiciens sont rarement de bons songwriters. On n’écoutera donc que de temps en temps cet album, pour sa musicalité et sa diversité, son extrême positivité, ses couleurs chaleureuses. Et surtout pour sa reprise des Os Mutantes.