Derrière son design cheap et mal épuré, le nouvel album de The Aloof ne laisse pas présager le meilleur. Loin des épures post-rock actuelles et de l’imagerie qui suit (paysages post-industriels, interzones menaçantes, blanc clinique ou noir charbon), le côté presque « poppy » du design reflète bien l’ambivalence d’une démarche musicale qui a du mal à se définir clairement. D’un côté les couches instrumentales, qui prennent la plus grande place de l’album, oscillant entre electro de haute volée, sons eighties bien dirigés, revisitation new wave d’un patrimoine pas encore épuisé et rythmiques diablement bien mises en place ; de l’autre des voix, plus ou moins réussies, qui évoquent un Massive Attack sans crise existentielle. Des voix fantomatiques mais un peu trop mises en avant, qui frisent parfois le cheap pour le plus souvent se confiner dans une hypnose vocale assez réussie dans les trois quarts des titres.
Dur pari donc que celui tenté par cette formation electro car réconcilier le public actuel avec ce nouveau son new wave semble tenir de la gageure. Mal calibrée pour les charts, trop sombre pour les dancefloors malgré le beat lourd, insistant et quasi physique, trop mainstream pour la scène intelligent techno et electronica, leur musique pourtant extrêmement séduisante ne s’inscrit ainsi dans aucun courant actuellement en vogue que ce soit dans le grand public ou dans les franges les plus extrémistes des scènes électroniques. Restent toutefois de très belles mélodies (Good morning world) qui rappellent Everything but the Girl par l’esprit interlope et les atmosphères interurbaines. Des ambiances sombres donc, des montées climatiques en cascade portées par la programmation plutôt fine de machines en pleine cristallisation rythmique. The Aloof rencontre parfois dans ses meilleurs moments un son presque germain, comme on peut l’entendre chez Kreidler, Genf ou Club Off Chaos, trois noms au hasard des scènes electro allemandes les plus en vogue dans la création actuelle.