Le critique tendance psy-amateur racontera à perte de colonnes que ce nouvel album de Supergrass fleure bon la maturité, que les pieds-nickelés d’Oxford ont grandi, délaissant la chanson de trois minutes qui avaient fait leur succès du temps d’Alright ou de Caught by the fuzz. Ce qui n’a pas effleuré les neurones du disciple de Sigmund est que le groupe a peut-être eu envie d’évoluer un brin, chose logique en quatre ans d’existence. Et que l’arrivée à temps complet d’un quatrième membre, Rob Coombes, officiant aux claviers, a donné à la pop énergique à guitares de jadis une autre dimension.
A ce jour, leur opus le plus fouillé, Supergrass, se compose principalement de ballades, un genre que le combo n’avait pas encore trop exploré, mais qu’il visite ici avec bonheur. Ainsi, Moving plonge l’auditeur dans un bain de guitares acoustiques agiles, qui ressemblent à de bons vieux titres de David Bowie, période pré-Ziggy-glam’. Et pulse dans la stéréo le temps d’un refrain… on imagine mal les Supergrass résistant à l’attrait d’un groove enlevé quand l’occasion se présente. S’en suit alors une collection de chansons inspirées de la pop lyrico-peaufinée des années 70. Gaz y joue de la corde vocale comme il ne l’avait jamais fait auparavant, soutenu par des chœurs à triple épaisseur qui se marient aux piano, orgue et divers claviers de son frangin (le limite folky What went wrong, Beautiful people).
Dans un registre plus traditionnellement Supergrassien, Pumping on your stereo sonne comme un Rebel rebel revu et corrigé dans la joie et la bonne humeur, où l’on marque le rythme en tapant dans ses mimines et où l’on reprend le refrain tous ensemble. Difficile de trouver plus jubilatoire. Même veine speedée pour Jesus came from outta space : les petits gars entrent dans le vif du sujet à coups de batterie galopante et balancent des paroles si frappadingues qu’il sera délicat de déblatérer ensuite sur la sagesse toute fraîche du quatuor. Sans compter que le catéchisme selon Gaz and co. risque de faire des convertis…
Enfin, un titre comme Born again laisse peut-être entrevoir la prochaine voie que choisiront les Oxfordiens : longs passages instrumentaux à la limite du post-rock, bruitages étranges ou liquides, ambiance glacée comme Radiohead sait les maîtriser. Plus rien n’arrêtera Supergrass maintenant qu’ils ont réalisé qu’ils pouvaient reprendre leur souffle entre deux assauts de guitares…